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RÉNOVATION, SURÉLÉVEMENT, BOIS : PEAU FINE SES

Dans un secteur de la construction en net repli, le bois voit sa marche en avant ralentie, mais reste porté par la RE 2020. Il est plus particulièrement convoité pour des projets de bureaux, de rénovation thermique de grands ensembles ou de surélévation.

Les discussions autour de la nouvelle réglementation incendie cristallisent des tensions, entre, d’un côté, les tenants de la sécurité des bâtiments et, de l’autre côté, l’indispensable décarbonation de l’acte de bâtir.

Coup de frein sur le neuf

Les professionnels interrogés par BOISmag relèvent un resserrement global du marché de la construction de logements neufs. «Entre 2020 et 2022, la part de maisons individuelles neuves à ossature bois a baissé, passant de 9,3% à 8%», indique Frédéric Carteret, président de l’Union des industriels et constructeurs bois (UICB). Un recul lié, d’après lui, à un rebond des ventes en 2021, «ce qui a fait baisser les parts de marché, mais pas les volumes». «La maison individuelle souffre beaucoup», admet Michel Veillon, DG d’Ossabois, qui compte trois usines (160 salariés), et responsable de la partie construction et commission technique au sein du CSF Bois.

En 2023, «les ventes s’effondrent. Il n’y a pas de secteur épargné, y compris le bois, malgré l’impact de la RE 2020. La hausse des taux d’intérêt et des coûts de construction ainsi que l’inflation générale pénalisent tout acte d’achat d’un logement. Les mises en chantier vont s’effondrer en 2024. Les entreprises travaillent encore sur les ventes précédentes», projette Frédéric Carteret. Alors que le bois construction représente 50% de la filière bois, il se dit «très inquiet pour l’an prochain. Il faut que les acteurs survivent, car, sur le long terme, les perspectives sont bonnes».

«Un coup de frein se produit sur la construction neuve, confirme Diane Mueller, directrice des ventes en France de PFEIFER Group, un groupe autrichien. Les primo-accédants sont pour l’instant réticents et craintifs. Le marché de la construction neuve souffre de la conjoncture économique et sociale.»

«La production est encore assez soutenue, mais la visibilité des affaires se réduit. Alors qu’elle pouvait osciller entre six et huit mois avant la Covid, elle est aujourd’hui, dans certains cas, seulement de trois à quatre mois», enchaîne Julien Lamoulie, ingénieur construction à l’Institut technologique FCBA.

Autre élément d’inquiétude, plus structurel celui-là: «Un manque d’acteurs. Ils sont sans doute insuffisants au niveau de la filière bois. Et ils sont par ailleurs atomisés, ce qui a pour conséquence de limiter la visibilité des capacités de production», regrette Frédéric Carteret.

Rénovation, surélévation : des segments porteurs

La rénovation, la surélévation et l’extension sont des segments de marché porteurs en 2023. «Un certain nombre de propriétaires qui envisageaient un déménagement vers quelque chose de plus grand, plus moderne, repoussent leur projet, du fait du resserrement des conditions de financement, et préfèrent améliorer l’existant, à travers, notamment, des extensions», relève Éric Toppan, responsable de l’observatoire économique de France Bois Forêt.

Le bois se positionne clairement sur le marché grandissant des économies d’énergie dans le bâtiment. «Sur le marché privé, le niveau des aides publiques, via des subventions et des crédits d’impôts, est intéressant, décrypte Julien Lamoulie. Dans le secteur public, beaucoup de bâtiments sont des gouffres en termes de consommation d’énergie ! La rénovation à base de bois, avec des techniques d’isolation par l’extérieur sous bardage ou des solutions de façade à ossature bois préfabriquées, est une vraie poche de résistance.»

«L’isolation thermique par l’extérieur avec façade ossature bois a des atouts à faire valoir, complète Frédéric Carteret. La mise en œuvre est facilitée par un système de préfabrication. Nous pouvons proposer ce type de solutions aux bailleurs sociaux, aux propriétaires d’ensembles collectifs et tertiaires, afin qu’ils puissent procéder plus rapidement à l’isolation, et apporter un meilleur confort aux résidents. Sans compter l’impact carbone positif.»

Ossabois refait l’enveloppe de grands ensembles immobiliers, devenus des gouffres thermiques, comme au Mans ou bientôt à Lyon. «Avant, la rénovation thermique consistait à poser du polystyrène. Aujourd’hui, il y a une volonté, de la part des propriétaires, de bien faire les choses, en modifiant les fenêtres, en utilisant des murs à ossature bois, en permettant aux gens de rester dans leur logement pendant les travaux», décrit Michel Veillon.

Si la commande publique diminue dans le neuf, du fait de l’impact de la flambée des coûts de l’énergie sur les budgets, « elle présente en revanche une activité soutenue pour des projets de rénovation en ayant recours au bois, avec, à la clé, des économies d’énergie significatives et un bilan carbone amélioré. Le bois permet aussi de donner une plus fière allure aux bâtiments publics», ajoute-t-il. «En 2024, davantage de produits de revêtement extérieur devraient être reconnus techniquement, confie Julien Lamoulie. Cela simplifiera le travail des entreprises qui mettent en œuvre ces solutions. À ce jour, le segment des façades à ossature bois est encore assez nouveau. Les industriels des revêtements extérieurs n’ont pas encore apporté tous les éléments de justification nécessaires à leur mise en œuvre. Ce manque de reconnaissance technique bride les entreprises dans la validation de leurs chantiers, et les maîtres d’ouvrage ne disposent que d’un choix limité pour habiller les façades à ossature bois.»

En ce qui concerne la surélévation et les grandes hauteurs, le bois marque aussi des points, grâce à sa légèreté. «La raréfaction du foncier disponible, avec la perspective de la zéro artificialisation nette, incite à des opérations de densification, plus hautes, analyse Michel Veillon. On construit moins, plus haut, sur de l’existant, en ville. On peut préfabriquer en ateliers un maximum d’éléments. Cela permet de réaliser un chantier en site occupé, avec des habitants en dessous. Sur ce point, la construction bois a un gisement à exploiter. De plus en plus, les propriétaires d’immeubles vont se poser la question: “Que vaut mon toit?”

Linkcity a par exemple surélevé en 2021 l’auberge de jeunesse «Les Piaules», place de la Nation, à Paris. De son côté, Bouygues Bâtiment Habitat Social est en train de surélever une résidence sociale (entre un et quatre étages supplémentaires), dans le quartier de Belleville, également dans la capitale, pour CDC Habitat.

«Le bois a progressé techniquement afin de pouvoir répondre à plus d’applications, y compris pour de très grands immeubles, enchaîne Michel Veillon. On voit ainsi un certain nombre de tours émerger, par exemple à Bordeaux ou Strasbourg… Le long du périphérique parisien, une dizaine de tours mixtes (abritant des bureaux et des logements) dépassent les huit étages. Le programme tertiaire Arboretum, en structure et enveloppe bois, est en phase de livraison. Ce matériau a fait la démonstration qu’il pouvait être utilisé en grande hauteur, d’un point de vue technique, avec une pertinence : bas carbone, légèreté, rapidité d’exécution.»

JOP, construction bas carbone et bureaux à transformer

Les Jeux olympiques Paris 2024 seront «un moteur pour la construction bois en France et une belle vitrine du savoir-faire de la filière», projette Diane Mueller. «Les marchés des JOP, conçus pour être bas carbone, ont donné de l’importance à la construction bois, à la fois en structure et en enveloppe», explique de son côté Michel Veillon.

Au-delà de l’événement et du symbole, le mouvement amorcé dans la décarbonation de la construction est profond. Un signe qui ne trompe pas: à Paris, le Sibca (Salon de l’immobilier bas carbone, 20-22 septembre) a attiré 8 000 visiteurs cette année, soit 20% de plus que l’édition 2022. «Cela montre la préoccupation grandissante des acteurs de l’immobilier de réduire leur empreinte carbone, glisse Julien Pemezec (Woodeum). La chaîne de construction se prépare aux caps 2025 et 2028 de la RE 2020, qui vont être de

Des prix (enfin) stabilisés

Autre point positif, le prix du bois “se stabilise depuis le printemps, après deux années de forte hausse. Passé la guerre en Ukraine et la période d’inflation, le marché s’est progressivement réorganisé. Mais les prix restent toujours à des niveaux élevés”, constate Julien Lamoulie. Ce que confirme de son côté Frédéric Carteret. “Après une période marquée par une forte inflation, les prix ont enregistré une baisse de 15 à 20%, puis se stabilisent. Nous ne sommes donc pas revenus au niveau d’avant-crise, et nous ne le retrouverons pas. En moyenne, la hausse est d’environ 20% par rapport à l’avant-crise.”

L’ossature bois prédominante, avènement de la mixité

L’ossature bois reste la technique la plus répandue dans les constructions en bois, tous secteurs confondus : 85% pour les maisons individuelles, 63% pour les logements collectifs et 67% pour les bâtiments tertiaires. L’utilisation des poteaux-poutres progresse dans les logements collectifs, passant de 16% en 2020 à 23% en 2022. Et le même tendance se constate dans la construction de bâtiments tertiaires, avec une hausse de 20% en 2020 à 24% en 2022, révèle la septième enquête nationale construction bois FBF-Codifab.

Le bois CLT à destination des bâtiments résidentiels ou tertiaires monte en puissance. “Le CLT a des propriétés spécifiques, notamment pour une utilisation sur des immeubles de grande hauteur”, observe Frédéric Carteret. Le bois présente des atouts en matière de réversibilité et d’adaptabilité des bâtiments, des enjeux devenus prégnants dans la construction. “Il permet de changer facilement les usages d’un bâtiment, par exemple d’un hôtel vers des bureaux. C’est moins le cas avec le béton et le métal, qui sont très figés”, compare Mathieu Robert.

L’expert voit monter en flèche, dans les opérations, les solutions mixtes : poteaux-poutres en LVL (bois massif) ou lamellés-collés et planchers en CLT, tout en conservant les noyaux en béton. “On n’est pas sur du tout bois, mais sur des modèles hybrides, et avec différents matériaux bois.”

“L’acte de bâtir se dirige vers des compromis, avec, par exemple, des poteaux en béton ou en bois et des planchers en bois ou en béton. Pour monter en grande hauteur, les cages d’escaliers et d’ascenseur resteront en béton. Cette tendance à la mixité est forte”, détaille Michel Veillon. Autre illustration de matériaux mixtes, des industriels comme Bati Sens industrialisent des murs préfabriqués en bois-paille.

Vers un DTU dédié au CLT

Pour l’instant, le CLT, ou panneau massif lamellé-croisé fonctionne avec des avis techniques (ou des DTA, documents techniques d’application). “Le DTU est la prochaine étape, à un horizon de quatre à cinq ans”, affirme Mathieu Robert (Stora Enso). La perspective est certes encore lointaine, “mais une fois qu’il est là, il est là”, résume-t-il, convaincu de l’importance du DTU, à terme, pour le CLT. “Plus on va dans la normalisation, plus c’est simple. Et si le bois veut prendre des parts de marché au béton et au métal, il faut aller vers des choses simples.” Reste à attendre la norme européenne, pas encore publique. “Quand le constat de traditionnalité aura été prononcé par la CCFAT (commission chargée de formuler les avis techniques), la filière préparera un DTU, au mieux à partir de 2025”, précise Julien Lamoulie (institut technologique FCBA). “Cela illustre un élan national du développement des produits biosourcés, allant de pair avec le bois”, se réjouit Sébastien Nerva. Linkcity met en œuvre une mixité de matériaux dans ces opérations, comme dans le projet Unity, à Nancy, “entre poteaux et poutres en bois lamellé-collé de Weisrock, planchers en CLT de Piveteau et un isolant biosourcé, à base d’herbe séchée compressée, mis en panneaux”. Michel Veillon rappelle que le bois offre une large panoplie de modes constructifs : “Charpentes, poteaux-poutres en bois avec enveloppe pour les bâtiments d’activité, de logements, de commerces ou de bureaux, techniques de murs à ossature bois, mode constructif en 2D et, technique qui émerge, construction modulaire 3D permettant d’empiler des éléments pour des hôtels, des Ehpad, des résidences étudiantes, des casernes, des internats, des bureaux ou encore des logements à la montagne… Cette construction modulaire est très intéressante. Elle ne génère pas de nuisance et garantit une rapidité d’exécution. Tout est fait en atelier, puis assemblé sur site. La rapidité est une véritable demande du marché. Ossabois est bien positionné sur ce créneau, avec 100 bâtiments ainsi réalisés en dix ans.” Ces évolutions exigent une acculturation des professionnels de l’acte de bâtir. “Aujourd’hui, bon nombre d’architectes et d’ingénieurs sont éduqués au métal et au béton, concède Mathieu Robert. Nous lançons des concepts pour accompagner au mieux la maîtrise d’œuvre en amont du projet: stabilité au feu avec tel type de structure, bon complexe acoustique pour un hôtel ou une maison en proposant des solutions que Stora Enso a testées au préalable, détails de connexion entre poteaux-poutres et planchers…” Entre poteaux et poutres en bois lamellé-collé de Weisrock, planchers en CLT de Piveteau et un isolant biosourcé, à base d’herbe séchée compressée, mis en panneaux, le bois offre une large panoplie de modes constructifs.

Autre évolution en matière de techniques constructives, le soutien informatique et la mécanique électronique permettent de réguler de plus en plus par ordinateur les procédés de construction, observe Diane Mueller. Un nombre croissant de postes de production sont informatisés de façon pointue. Les systèmes de production se sont améliorés et affinés ces dernières années, ce qui permet une productivité plus importante, et plus de réactivité face aux demandes de la clientèle.

L’enjeu de la massification pour des coûts maîtrisés

Le bois a certes un avantage, très conséquent, pour la réduction de l’empreinte carbone. Mais des innovations fortes sont en cours dans le béton. Selon Julien Pemezec, l’enjeu de la filière bois “est la massification, par le volume et la répétitivité. Il faut évoluer d’une culture du prototypage à une culture de la production plus efficace. C’est ainsi que les méthodes deviendront plus courantes, plus abordables, avec des coûts de production maîtrisés. L’enjeu, c’est quand même aussi de produire des logements qui trouvent des acquéreurs pouvant les acheter!”

Selon lui, la France est en train de saisir l’opportunité industrielle d’exploiter sa forêt. “La filière de transformation évolue positivement, avec de nombreux investissements portés par des industriels pour augmenter leurs capacités de production. Il y a un vrai élan”, souligne-t-il.

Révisions des DTU 31-2 et 41-2 : reconnaître les isolants en fibre de bois et faire monter en hauteur les bardages

La révision du DTU 31-2 (construction à ossature bois), débutée l’an dernier, se poursuit en 2023, tandis que démarre la révision du DTU 41-2 (bardages bois).

Concernant le DTU 31-2, “le projet est d’intégrer en enquête traditionnalité les isolants à base de fibre de bois, c’est-à-dire, reconnaître les retours d’expérience de la mise en œuvre de cet isolant, explique Julien Lamoulie. C’est une évolution importante qui se profile : il n’y aura plus besoin de fournir des justifications pour prouver que cette solution fonctionne. À ce jour, énormément de mètres carrés d’isolants en fibre de bois posés sur les chantiers ne sont pas inscrits dans le DTU.” En ce qui concerne le calendrier, “on sait quand les travaux de normalisation démarrent, mais il est difficile de prédire une date de fin… Au mieux, pour 2025”, anticipe le technicien.

Concernant le DTU 41-2, l’enjeu est d’introduire les façades à ossature bois relevant du DTU 31-4 comme support de bardage, et de définir la contribution du bardage à l’étanchéité à l’eau. Ce dernier point est “essentiel pour mettre en œuvre des bardages bois sur support ossature bois à des hauteurs plus élevées. Le DTU bardages doit pouvoir présenter des solutions techniques performantes vis-à-vis de la protection des façades à la pluie battante. Ce sera alors une vraie avancée pour le marché de la construction bois. Cela permettra en effet de mettre en œuvre des bardages bois sur des supports de façade bois, à des hauteurs plus importantes, sans besoin de justifications techniques complexes de la part des entreprises.”

Une réglementation incendie à mettre en phase avec l’évolution du marché

Alors que la réglementation interministérielle incendie pour les bâtiments intégrant du bois est attendue d’ici à la fin de l’année, un premier document a été présenté au mois de mai dernier, concernant les ERP. Le moins que l’on puisse dire est qu’il ne suscite pas l’enthousiasme. “Le texte, tel qu’il est projeté, ne facilite pas la mise en œuvre du bois dans la construction, et au contraire la contraint”, confie une source. Il y a une crainte, partagée dans la filière, que le projet de texte relatif aux ERP ne préfigure les prochains textes sur le logement et le bureau.

L’un des enjeux clés est le fait d’avoir du bois visible sur des immeubles de grande hauteur. Les discussions, serrées, sont en cours entre les professionnels, les pompiers et les ministères de l’Intérieur et du Logement.

Linkcity maintient ses objectifs

Linkcity maintient son objectif d’avoir recours à la construction bois dans une opération sur deux, à l’horizon 2030. “Nous sommes aujourd’hui à 20% de nos programmes en construction bois”, explique Sébastien Nerva, directeur développement construction bois de Linkcity.

Pionnier après la signature Pacte Fibois Île-de-France en 2020, le promoteur a poursuivi cet engagement à travers des pactes Fibois régionaux “Bois biosourcé”. Régions ayant déjà signé : Auvergne-Rhône-Alpes, Grand-Est, Hauts-de-France et, bientôt, Centre-Val de Loire et Normandie. “L’idée de ces pactes est d’accompagner les aménageurs, collectivités, promoteurs et bailleurs sociaux à prendre le virage du bois et des biosourcés”, précise-t-il.

Pour apporter de la cohérence à l’échelle nationale, le partenariat Fibois France, signé par Linkcity, a permis de créer un comité des partenaires, réseau d’acteurs aidant la filière bois à se développer et à partager des retours d’expériences. Chez Linkcity, l’activité de bureaux porte la construction bois. Pour deux raisons : “Les contraintes techniques sont plus faibles, notamment sur l’acoustique, et les contraintes incendie sont moindres. Il y a la possibilité, par exemple, de mettre des bois apparents, ce qui est qualitatif pour les usagers, et donne une valeur ajoutée au bâtiment pour les investisseurs.” Exemple, l’opération Panorama à côté de Lille, avec une charpente croisée apparente, destinée à accueillir le siège social régional de Dalkia, porté par le fonds d’investissement Kanam. “L’investisseur considère cet actif comme dérisqué, car bas carbone. La valeur environnementale du bien est reconnue d’un point de vue économique et financier”, analyse Sébastien Nerva.

PiveteauBois sécurise l’approvisionnement de Bouygues Bâtiment France à hauteur de 25 000 m2 par an. Linkcity a recours à 30% au minimum de bois français, avec l’objectif de passer à 50% en 2025. Parmi les points d’achoppement, figure le sujet du bois apparent. “Si la réglementation demande d’encoffrer le bois derrière un placo, cela n’ira pas dans le sens de la sobriété des matériaux…” Deux autres points d’alerte : la non-reconnaissance des systèmes automatiques d’extinction d’eau, et le fait qu’il ne soit pas prévu de pouvoir faire valoir des appréciations de laboratoires pour reconnaître une part de bois apparent. Sur la méthode, un autre acteur regrette “un manque de discussions et de débats”.

Le ministère de l’Intérieur est actuellement en train d’analyser les différentes propositions reçues pour arrêter des textes qui devraient être applicables début 2024. Le contexte est celui d’un rapport de force. “Les autres filières nous attaquent sur l’aspect “le bois brûle”, ironise un acteur de la filière bois. Par ailleurs, les pouvoirs publics ont décidé de muscler la réglementation, suite à plusieurs incendies, pas forcément survenus dans des bâtiments en structure bois. D’un autre côté, la RE 2020 fait la part belle au bois. Il faudra donc trouver des solutions techniques à des coûts raisonnables. Les négociations actuelles portent donc sur des enjeux à la fois techniques et stratégiques.” Et d’ajouter : “La France a pris des engagements en matière de réduction d’émission de gaz à effet de serre. L’usage des matériaux biosourcés dans la construction nous permettra de répondre à cette stratégie bas carbone. Nous n’y arriverons pas avec des blockhaus! Nous devons trouver des compromis entre sécurité et utilisation de matériau biosourcé.”

Fort de ses quelque 15 000 projets portés en vingt ans, Stora Enso divulgue un maximum d’informations, afin de faire bouger les lignes. “Nous pouvons montrer des faits liés à la stabilité au feu des ouvrages, aux hauteurs, grâce à des retours d’expérience de ce qui se fait en la matière dans d’autres pays, comme le Suisse et la Suède. Il est important de baser les évolutions réglementaires sur des éléments objectifs mesurés, et surtout de ne pas se cantonner à l’émotion [allusion à l’incendie d’un gîte à proximité de Colmar, dans lequel 11 personnes sont décédées le 9 août dernier, ndlr], insiste Mathieu Robert. Pour anticiper les nouvelles demandes du marché, nous lançons une ligne de traitement de surface automatisée. Les traitements sont aujourd’hui insecticides, fongicides et hydrophobes; demain, ils pourraient également être intumescents.”

“Le bois, vis-à-vis de l’incendie, a toujours eu une mauvaise image, selon le principe ancré dans les mémoires de chacun que “le bois brûle”, analyse Diane Mueller. Or, du point de vue de l’incendie, il est toujours plus aisé de connaître les limites de rupture avec l’utilisation du bois, qu’avec l’acier ou le béton. Ce paramètre commence fort heureusement être connu. Si la législation est bien respectée, il ne faut avoir aucune peur d’employer du bois. Les techniques actuelles de la construction bois permettent de l’utiliser dans des zones pouvant être confrontées à des incendies.”

Alors que réservera la future réglementation? Quoi qu’il en soit, il faut trancher. “Les réglementations actuelles datent d’une vingtaine d’années. L’absence d’une version plus moderne laisse une situation où chaque Sdis, chaque bureau de contrôle, fait sa propre lecture. Cela crée un grand nombre d’incertitudes pour les constructeurs, conclut Michel Veillon. La filière bois demande une évolution, pour avoir une seule et même réglementation à jour, plutôt que plusieurs interprétations.”

La boîte à outils de la filière en sécurité incendie va être enrichie au travers d’une importante étude cofinancée par l’Ademe, la FBF et CODIFAB (étude SEIFBois), qui va commencer prochainement. Le FCBA annonce par ailleurs la sortie récente de la nouvelle version du Guide feu façade filière bois version 4 (appréciation de laboratoire sur solutions génériques filière bois) et la publication prochaine d’une nouvelle appréciation de laboratoire relative aux systèmes d’isolation thermique extérieure par enduit sur isolant (Etics) sur parois bois.

Woodeum repousse les limites de la construction bois

Propriété d’Altarea depuis février, Woodeum porte des projets ambitieux en structure bois. Comme Albizzia, dans le quartier Confluence, à Lyon, une opération mixte (bureaux, logements, commerces, activités) de 15 000 m2, comprenant une tour haute de 53 mètres, sur 16 étages. Cette émergence urbaine, livrée à l’été prochain, a été dessinée par Hardel Le Bihan Architectes, associés avec le cabinet lyonnais Insolites Architectures. “Avec Hyperion à Bordeaux, déjà conçu par Woodeum, de tels ouvrages en structure bois se comptent encore sur les doigts d’une main”, assure Julien Pemezec, directeur général de Woodeum.

Conçu par Hardel Le Bihan Architectes, le projet Hosta, situé à la porte Brancion, entre Paris et Vanves, est quant à lui un ouvrage de huit étages en surélévation, au-dessus d’une dalle technique du périphérique parisien. “Pour les surélévations, le bois est le plus adapté, du fait de sa légèreté. Grâce au système structurel inventé par Woodeum, nous avons pu diviser par trois le poids du bâtiment, par rapport à une structure béton classique”, précise Julien Pemezec.