INDUSTRIE ● NÉGOCE ● CONSTRUCTION

Construction

[Enquête] La construction bois monte en puissance

Portée par la RE2020, une demande forte et une technicité accrue des produits, la construction bois grignote des parts de marché. Les prix du bois ont certes augmenté, mais moins que les autres matériaux. Pour faire face à la croissance, l’enjeu du recrutement devient central. Par Hubert Vialatte

Un secteur en croissance

Certes, encore minoritaire dans l’acte de bâtir en France, la construction bois grappille des parts de marché. Et la tendance semble irréversible, sur fond de mouvement de décarbonation de la construction et de règlementation RE2020.
« En 2020, la part de maisons individuelles construites en structure bois était de 9,7 %, et celle des logements collectifs de 6,5 %, en France. Alors que les parts de marché étaient de 5 % dans les années 2000 ! Les prévisions sont orientées à la hausse », compare Éric Toppan, coordinateur de l’Observatoire et de la Veille économique mutualisée à France Bois Forêt. L’organisme va publier deux études relatives à la construction bois (lire ci-contre). La France est certes en retard par rapport à l’Allemagne (15 à 20 % de parts de marché), et très loin des États-Unis, où le bois est majoritaire dans les maisons individuelles. Mais la France compte des régions traditionnelles pour la construction bois : « Couloir rhodanien, ngrand Est, massif montagneux, façade atlantique, où une culture bois existe depuis une trentaine d’années, de par un tissu industriel important, ajoute l’expert. Cette proportion va augmenter, pour différentes raisons : la problématique énergétique, le fait que le bois améliore le bilan énergétique et thermique de la construction, une offre qui s’est renforcée. Les entreprises sont de plus en plus expérimentées, avec des bureaux d’études intégrés, des compétences techniques, des salariés formés, du matériel. Elles ont une vingtaine d’années d’existence, avec une capacité à répondre à des appels d’offres et à gérer les chantiers sur des rayons supérieurs à 100 km. Durablement, la construction bois est installée dans la construction neuve. »

Le coup d’accélérateur de la RE2020

Dans le secteur du neuf, la RE2020 « a apporté un coup d’accélérateur à la construction bois, analyse Sébastien Nerva, directeur développement construction bois à Linkcity. Entre 2022 et 2025, les premiers seuils ne sont pas très exigeants. Nous prenons un coup d’avance, sur de nombreux programmes, nous nous engageons sur les seuils 2025 et 2028 ». « La part de marché du bois est de 7,5 %, et va être multipliée par cinq a minima à horizon 2030, renchérit Frédéric Carteret, président de l’Union des industriels et constructeurs bois. La RE2020 a des exigences qui vont crescendo de 2022 à 2030. C’est une bonne chose pour préparer les acteurs de l’acte de bâtir, pour anticiper et mieux construire en biosourcé. » Certains ont anticipé de longue date. Stora Enso est ainsi le 1er fabricant CLT à avoir eu la fiche FDES, en 2018. De fait, le calcul de l’impact carbone de chaque composant est disponible en ligne, conformément à la RE2020. La protection des ouvrages sur chantier est un enjeu soulevé par la nouvelle réglementation. « Nous allons protéger et mettre en place des systèmes pour mieux protéger le bois des intempéries, en proposant par exemple des membranes autocollantes posées en atelier chez KLH », détaille Émeric Ledoux, chargé d’affaires Lignatec pour le sud de la France.

“La part de marché du bois est de 7,5 %, et va être multipliée par 5 a minima à horizon 2030”

 

Décarbonation et confort d’été

« Rappelons que la construction dans le monde représente 40 % des émissions de CO2. C’est un impact considérable, qui nous oblige à agir, analyse Charly Reignier, directeur développement de Stora Enso en France. Sur le marché de la construction, au niveau national, 80 % de la construction est en béton et acier – des matériaux fossiles. Un des avantages du bois est qu’il est une alternative, un vrai puits de carbone. Le bilan de construction est 75 % meilleur qu’avec un matériau conventionnel. » Des solutions constructives en bois permettent ainsi de réaliser des projets d’architecture techniques très performants, conformes à la RE2020, avec des structures en bois qui stockent d´importantes quantités de CO2 fixé par les arbres.
Par ailleurs, en matière de confort d’été, « la construction bois permet des réalisations à très faible déperdition thermique », ajoute Diane Mueller, directrice commerciale France de toute la partie sud pour Pfeifer Timber GmbH (Autriche). « Le CLT apporte plus de masse qu’un mur à ossature bois, et donc plus de déphasage thermique, ce qui améliore le confort d’été », confirme Émeric Ledoux.

 

 

Grâce à son bilan carbone, la construction bois séduit de plus en plus. (Crédit photo : Ami Bois)

 

Les prix cessent de grimper

« Tout le monde a du travail et un bon niveau de carnet de commandes, résume Christian Piquet, directeur général de Maître Cube. Le nôtre s’élève à 12 mois et est bien orienté. Le souci, c’est les prix d’achat des matières premières, et la recherche d’une rentabilité par rapport à la hausse des matériaux que l’on subit depuis 15 mois. » Après deux années de grosses commandes, alimentées notamment par les JO 2024, de hausse des prix et de forte pénurie, « le marché se détend en cette rentrée, décrypte Émeric Ledoux. Les carnets de commandes sont toujours pleins, mais les délais de fabrication un peu plus courts ». Un atterrissage qui fait suite à une surchauffe. Selon les chiffres de l’équipe Environnement Économie et Bioressources du FCBA (chiffres d’avant l’été), les coûts de production et de construction d’ossature bois charpentes ont augmenté d’environ 10 % sur le 1er quadrimestre 2022 par rapport à la même période de l’année précédente. « Cette hausse est semblable à celle des ouvrages en béton, mais bien moindre que celle des constructions métalliques (+ 40 %) », complète Julien Lamoulie, responsable Secteur Charpente, Ossature, Bardage à l’Institut technologie FCBA.
L’amorce de baisse de prix est néanmoins contrebalancée par la hausse du prix de l’énergie, « qui va doubler ou tripler les prix de production (pour le séchage du bois notamment) et faire augmenter le transport des produits. Par conséquent, la baisse sera plus modérée que prévue, ou bien les prix seront stables ».
Face à des prix élevés de l’énergie, des industriels innovent. Par exemple, KLH, le fabricant de CLT autrichien avec lequel Lignatec travaille, a réalisé cet été un chantier en Norvège transporté 100 % par rail, au lieu du camion.

Collèges, tours de logements, campus bois : des projets de plus en plus ambitieux

En France, la construction bois se découvre des ambitions. Stora Enso travaille sur plusieurs projets emblématiques de construction bois, dont la tour Albizzia, dans le quartier Confluence, à Lyon, et pour laquelle Stora Enso fournit les éléments CLT. Albizzia est une tour de 16 étages, réalisée par UTEI et Woodeum. « Ce n’est pas un hasard si une ville comme Lyon, plutôt peu développée jusqu’à présent dans les projets de structure bois, va se retrouver avec une tour parmi les plus hautes de France », relève Charly Reignier.

 

Pour lire la suite de l’enquête Construction bois, commandez BOISmag n°207 : Je commande