INDUSTRIE ● NÉGOCE ● CONSTRUCTION

Non classé

Une année 2021 historique

L’année 2021, grand cru pour les fabricants de machines dédiées à la 1re et 2e transformations du bois. Capacités d’investissement retrouvées avec la hausse des prix du bois, nécessité de remise à niveau des machines, plans de relance des gouvernements et de l’Union européenne, taux d’intérêt bas, fortes perspectives sur le bois…, les causes sont multiples.

«Depuis 30 ans que j’exerce ce métier, je n’ai jamais vu un tel niveau d’activité, déclare Christian Lallia, gérant de Finnso Bois, agent français de sociétés nordiques (finlandaises, suédoises, estonienne). Tous les métiers ont répondu présents : scierie, contreplaqué, raboterie… Des industriels ont compris qu’il faudrait pouvoir répondre, en investissant. Des régions françaises ont les matières premières, mais les industriels doivent s’équiper ou se moderniser pour transformer le bois. Avec l’explosion des prix à l’importation, des industriels ont devant eux une belle opportunité d’activité à saisir ! »

« L’année écoulée a été exceptionnelle, sur le plan mondial pour Holzher, avec une augmentation de 50% du chiffre d’affaires », explique Henri Mathonnet, responsable des ventes. Le marché a été encouragé par les différents plans de relance dans l’Union européenne, « particulièrement en Italie et en France ».

« Du fait du manque de bois en Amérique du Nord, les prix ont été multipliés par quatre, ajoute Hervé Doret, responsable de clientèle d’USNR. Les Scandinaves et les Allemands, qui avaient déjà l’habitude de livrer ce marché, se sont engouffrés et ont engrangé des sommes considérables. Une partie de ces bénéfices a été investie. » D’où, en 2021, des contrats fructueux pour les scieurs et les fabricants de matériel de scierie. « Pour USNR, c’est une année exceptionnelle. » Par exemple, une scierie en construction pour un montant de 40 M€, en Suisse (Tschopp).

« 2021 fait partie des meilleures années. Des scieries de taille moyenne franchissent le pas et investissent », analyse Fabien Iffrig, responsable du marché francophone pour Microtec. Paul Monnier, agent commercial indépendant pour EWD (matériel de scierie pour la 1re transformation sur la partie ouest de la France) et Cape (matériel pour les machines de palettes) évoque « une forte croissance et une année un peu spéciale par sa frénésie : envolée des prix du bois et des matières premières, explosion des commandes… Nos clients ont repris massivement leurs investissements pour rénover leurs outils et se mettre à la page sur des automatismes. »

Michel Loyet, PDG du groupe Finega, un fabricant de biens d’équipements pour la 1re transformation, leader européen des scieries 4.0 (une technologie développée depuis 2014), décrit « une très bonne année, avec beaucoup de gros dossiers. Notre technologie a été retenue dans quatre projets du plan de relance Industrie du futur, le total représentant 18 M€ de commandes ». Les commandes proviennent d’Ile-de-France, de Paca et d’Auvergne-Rhône-Alpes. Pour Olivier Canet, responsable commercial chez BZH, « les commandes sont venues principalement des scieries de résineux, les feuillus ayant été paralysés par une pénurie. On observe un regain d’optimisme chez les scieurs ». Anecdote révélatrice : « Une scierie dans le résineux, située dans le Grand Est, était à vendre l’an passé. Cette année, le propriétaire réinvestit, et son fils va finalement reprendre l’affaire. »

Le marché français se redresse

La crise sanitaire a mis en évidence le fait qu’il faut désormais investir dans des unités robotisées fortement automatisées et digitalisées. « Toute la partie assistance à distance par informatique devient primordiale, décrypte Michel Loyet. Les clients se rendent compte qu’il faut développer des outils numériques pour combler ce besoin de services à distance. »

De fait, le marché français a été « très porteur. Notre progression continue, avec l’appui de la structure de service Weinig Holzher France, qui assure l’installation et le suivi des équipements », ajoute Henri Mathonnet. Face à certains de nos concurrents, « nous sommes certes un challenger, mais nous nous positionnons petit à petit de façon plus consolidée, avec une augmentation du chiffre d’affaires sur plusieurs années, à raison de 20 % de croissance annuelle environ ». « 2021 aura été une année historique au niveau des commandes de machines », ajoute Gilles Schimpf, commercial chez Hundegger France. Pour le fabricant de séchoirs Secal, le marché hexagonal « s’est définitivement redressé, après quelques années de ‘repos’ ».

Analyse confirmée par Hervé Doret: «Avant la crise sanitaire, pas grand monde ne gagnait d’argent. Les scieurs français ont augmenté leurs prix, d’environ 20%, avec néanmoins un décalage énorme par rapport aux Scandinaves. » À ce jour, la situation de la filière bois devient « très bonne en France, avec une très grosse demande et des prix à nouveau intéressants ».

De nouvelles lignes de production se développent, avec des scanners Goldeneye. Selon Fabien Iffrig, «le marché français rattrape son retard par rapport à l’Allemagne et l’Autriche, avec des demandes de scanners de 1re et 2e transformations».

« Les commandes explosent, le marché français est bon, avec beaucoup de travail pour les clients, se félicite Michel Loyet. Les clients ont retrouvé une capacité d’investissement et amélioré leurs capacités d’auto-financement. Ils sont pris par la nécessité d’investir. Même si, débordés par le flux d’affaires et les problèmes de personnels, ils ne peuvent pas faire aboutir tous leurs projets. » « Le comportement du marché français est bon, mais tendu. Est-ce que ça va durer ? , questionne Paul Monnier. Tout le monde a du travail, mais dans des conditions difficiles, entre pénuries de personnel, prix du bois qui deviennent irrationnels et tensions sur les approvisionnements. »

Avant la crise sanitaire, pas grand monde ne gagnait d’argent. Les scieurs français ont augmenté leurs prix, d’environ 20 %.

Hervé Doret, responsable de clientèle d’USNR.

Les machines qui marchent, et les raisons du succès

Quelles machines remportent le plus de succès ?

USNR met en avant la déligneuse automatique Catech et les écorceuses Cambio. « Il y a aussi les machines à rubans Canter Quad », ajoute Hervé Doret. Intérêt de ces dernières : « Elles génèrent moins de sciures et consomment moins d’énergie, un aspect important alors que le coût de l’énergie a flambé. Tout ce qui consomme moins d’énergie est bien vu ! De plus, comme le bois est de plus en plus cher, la chasse aux sciures devient une vraie préoccupation. Si vous entrez 1 m3 de grume, c’est mieux d’arriver à sortir 0,6 m3 de planche, plutôt que 0,5 m3 . » Ces modèles à rubans viennent petit à petit concurrencer les machines circulaires, devenues la norme en Europe centrale avec le succès du modèle allemand Link. «Cette hégémonie s’estompe. Des sociétés préfèrent désormais les machines à rubans », détaille-t-il.

Chez BZH, les chariots de manipulation et découpe tirent les ventes, même si tous les équipements sont demandés. Un gros portique (1 M€), de 15 mètres d’entre-axe, a par ailleurs été vendu à une scierie alsacienne. Il gérera une ligne de tri sur un nouveau parc à grumes.

Chez Holzher France, « les centres d’usinage, en particulier les centres Nesting avec chargement et déchargement, ainsi que les plaqueuses de chants équipées de notre groupe d’encollage breveté GluJet, ont bien fonctionné, détaille Henri Mathonnet. Nous avons de très bons résultats sur les plaqueuses de chants laser (gamme Lumina) en Chine ».

Chez Hundegger France, les Robot-Drive et Speed-Cut ont été particulièrement à la fête, suivies par les K2 Industry. Côté Microtec, les scanners Goldeneye et Logeye Stereo se sont bien écoulés. «Ce dernier est capable de mesurer à la volée pour les chariots de découpe et l’industrie du déroulage », précise Fabien Iffrig.

Secal observe une demande accrue pour les séchoirs dotés d’une capacité de séchage d’environ 100 m3 .

Finnso Bois a vendu plusieurs écorceuses Valon Kone, des lignes de sciage Canter (groupe Veisto). «Nous avons aussi livré une raboterie Pinomatic chez un grand importateur de bois et une ligne de déroulage pour transformer le peuplier », ajoute Christian Lallia.

Finega généralise sa technologie Master Twin 3D, un sciage suspendu qui assure un cycle de fonctionnement automatisé, avec scanner 3D, chargeur robotisé… « De manière générale, notre gamme digitalisée, avec des solutions numériques et de l’IA, remplit de plus en plus notre carnet de commandes, dépeint Michel Loyet. Les machines ne sont plus considérées comme un outil de coupe. Désormais, nous vendons une solution. »

Cette effervescence d’innovation a un intérêt majeur. Les entreprises de taille moyenne peuvent acquérir des technologies haut de gamme, grâce à la digitalisation et la connectivité. « Plus besoin d’avoir dans ses rangs des techniciens de haut vol au niveau informatique et systèmes pour les utiliser ! Grâce au live monitoring connecté, les clients sont rassurés, et peuvent se concentrer sur l’exploitation de leurs lignes », sourit Michel Loyet.

L’Europe à la pointe des investissements

D’après Microtec, l’Allemagne, la France et l’Autriche figurent parmi les pays les plus actifs, suivis par la Suède et l’Amérique du Sud. Pour Secal, la Russie s’est bien comportée, «même si la valeur du CA est faussée par la taille du pays», de même que la Biélorussie, la France, les pays baltiques et l’Europe du Nord. Hervé Doret décrit un très grand dynamisme en Scandinavie, en Allemagne et Autriche. Le marché russe est jugé prometteur. « L’exportation de grumes étant interdite en Russie depuis le 1er janvier, les scieurs s’équipent pour alimenter le marché extérieur, sachant que la Russie est le plus gros réservoir d’arbres au monde. Les propriétaires vont devoir le transformer et l’exporter sous forme de planches. » Les marchés chinois et américains sont également demandeurs, pour la construction. Au grand export, de grosses vagues de demandes s’expriment en Nouvelle-Zélande, en Australie et sur le continent américain. Les effets du réchauffement climatique dérèglent en partie le marché. « Les États-Unis et le Canada subissent des incendies en plein hiver, puis des inondations… De fait, ils ont moins de bois. C’est aussi la raison pour laquelle les prix flambent », estime Hervé Doret. En matière de segments de marchés, « l’emballage et le bois de construction tirent l’international », selon Michel Loyet. Les scieries de feuillus sont peu présentes à l’export, « car ce sont des métiers encore peu automatisés, sauf dans les pays développés rencontrant des difficultés de recrutements ». En revanche, des scieries de résineux automatisées commencent à se développer en Europe de l’Est. « Ils modernisent à outrance leurs moyens de production, et parviennent à recruter du personnel qualifié ; certains de leurs ressortissants qui ont quitté l’Angleterre après le Brexit reviennent en Pologne ou en Roumanie, où les salaires ont augmenté. »

Je ne suis pas sûr que le marché de la vente du bois sera aussi dynamique en 2022 qu’en 2021. Peut-être que les marges vont un peu baisser.

Fabien Iffrig, responsable du marché francophone pour Microtec.

Stabilisation à un haut niveau en 2022, vigilance sur les difficultés de recrutements

En 2022, Michel Loyet entrevoit un marché « très porteur, avec des marges de manœuvre pour la première transformation. Les scieries ont reconstitué un matelas de trésorerie, avec des capacités d’investissement, et vont poursuivre leurs modernisations ». Gilles Schimpf anticipe « une nouvelle bonne année, mais nous aurons un ralentissement tôt ou tard », sans savoir quand précisément. « Je table sur un dynamisme analogue. Il y a beaucoup de demandes de rendez-vous, des projets, des chiffrages. Mais cela ne signifie pas que nous vendrons autant qu’en 2021 !, tempère Olivier Canet. Les projets de scierie, c’est une fois tous les 20 ans. » Fabien Iffrig anticipe une année « toujours porteuse : l’Amérique du Nord est de nouveau très active, ainsi que la Suède et l’Europe centrale. Le marché français va se stabiliser. Je ne crois pas à une croissance supérieure à 2021. Les carnets de commandes sont déjà pleins pour les fournisseurs de mécanisation, et il y aura forcément un délai d’attente, avec des décalages potentiels de commandes ». Autres bémols exprimés : « Je ne suis pas sûr que le marché de la vente du bois sera aussi dynamique en 2022 qu’en 2021. Peut-être que les marges vont un peu baisser », ajoute-t-il. enquête Je ne suis pas sûr que le marché de la vente du bois sera aussi dynamique en 2022 qu’en 2021. Peut-être que les marges vont un peu baisser.», ajoute-t-il.

Pour Secal, « bénéficier d’un marché diversifié pourra compenser le ralentissement du CA dans certains pays ». Finnso Bois prévoit un marché « tout aussi dynamique », travaillant sur des projets « qui seront actifs dans un ou deux ans ». Par exemple, «un très beau projet en Occitanie, au nord de Montpellier ». Finega va réaliser la première scierie 4.0 dans le feuillu en région parisienne, avec des technologies de robotisation, d’automatisation et d’informatisation poussées. L’unité fera la part belle aux technologies d’empilage robotisé, à l’IA, « pour reconstituer informatiquement les paquets et les emballages. C’est important en Ile-de-France, où les difficultés de recrutements sont particulièrement prégnantes », explique Michel Loyet. Un point noir à surveiller : les difficultés de recrutements, dans les scieries et la fabrication de matériel. «Les électriciens, soudeurs, programmateurs informatiques… sont difficiles à trouver », regrette Hervé Doret.

Futurs développements : automatismes, sécurité, productivité

Automatismes, sécurité et productivité sont les grands développements à venir, sur des technologies souvent déjà connues. « On constate le besoin d’automatisation chez les clients, c’est l’évolution du marché vers des ateliers 4.0, relève Henri Mathonnet. On tend vers un modèle où les panneaux sont chargés et stockés automatiquement, pour les déposer sur la zone d’entrée de différentes machines: centres d’usinage, scie automatique… Nous continuons de développer l’intégration de nos équipements dans un process global (technologie 4.0), en lien avec les éditeurs de logiciels. Les interfaces sont ouvertes à tous les éditeurs, pour que le client puisse faire son propre choix. Nous garantissons que la machine saura travailler avec le logiciel. »

Holzher travaille à rendre plus fluide l’utilisation des équipements. «Au départ, il fallait être informaticien pour programmer une commande numérique. Aujourd’hui, la machine s’adapte aux métiers du professionnel qui l’utilise. La conception et la programmation des pièces constituant un meuble peuvent se faire par simples validations de choix dans des menus.» Holzher investit en 2022 sur sa filiale Services (livraison, SAV, hotline, gestion des pièces détachées…) sous la houlette de Pascal Renevier, nouveau gérant de Weinig Holzher France. La croissance de l’activité de Holzher et Weinig suppose d’anticiper un meilleur accompagnement en termes de SAV. « Les commandes de 2021 sont les livraisons de 2022. Il faut s’y préparer, en formant et en recrutant de nouveaux techniciens », résume Henri Mathonnet. De son côté, Hundegger prévoit la construction d’un nouveau hall de fabrication de plus de 6 000 m2 en Allemagne.

Pour BZH, Olivier Canet projette une diversification dans le domaine du recyclage. Les grues pouvant manipuler du bois peuvent aussi manipuler des DIB (déchets industriels banals). Autres évolutions, une tronçonneuse semi-automatique, et l’optimisation des systèmes de cubage embarqué, avec une interface utilisateur améliorée. L’objectif « est que la personne dans le chariot ait une aide à la découpe, pour découper au plus juste en fonction des commandes ». USNR, spécialiste des lignes moyen bois (entre 20 et 60 cm de diamètre), travaille sur les petits diamètres (de 15 à 30 cm). « Les petits diamètres sollicitent des bois d’éclaircie, qui coûtent un peu moins cher, et peuvent être intéressants, explique Hervé Doret. Ils assurent un cycle de vente plus rapide pour un propriétaire forestier. » À l’inverse, USNR souhaite aussi mettre au point des machines à gros diamètre (jusqu’à 80 cm de diamètre), pour traiter les gros arbres. Ces projets se heurtent néanmoins à la disponibilité des bureaux d’études, « déjà saturés par les projets en cours. On est donc plutôt sur un horizon 2023 », concède-t-il. L’IA et le deep learning sont au cœur des nouveaux développements. Microtec, qui investit 15% de son chiffre d’affaires dans la R&D, mise sur l’intelligence artificielle, « qui rentre dans beaucoup de produits. Nous avons recruté des spécialistes de la science du bois, pour faire apprendre à nos systèmes les particularités du bois. L’IA prend une belle part des nouveautés mises en place sur nos scanners », relate Fabien Iffrig. Autre produit, le logiciel Mill Manager. Il s’agit d’un concentrateur de données, qui va rassembler les données des mesureurs, et en établir des statistiques pour produire des tableaux en temps réel. Les ingénieurs de Secal ont développé une gamme de séchoirs se démarquant par la qualité des composants et par le système électronique. Le logiciel aide les opérateurs de séchoirs, « avec des systèmes de plus en plus performants, en termes de qualité et de délais, avec des programmes de gestion du fluide caloporteur, de mise hors gel, de dégivrage automatique du bois et de calcul des coûts de séchage ».

“Comme la plupart des fabricants, nous sommes impactés sur les composants électroniques. Il est actuellement impossible de se projeter, car nos fournisseurs sont également dans le flou.”

Gilles Schimpf, commercial chez Hundegger.

« On tend de plus en plus vers l’automatisme du fait des problèmes de recrutement de personnel, observe Paul Monnier. L’objectif, pour nos clients, est d’avoir des lignes les plus automatisées possible, pour se concentrer sur le personnel plus qualifié, en automatisant les postes d’intérimaires qui sont plus difficiles à trouver. Il s’agit aussi d’améliorer les conditions de travail, en réduisant les troubles musculo-squelettiques liés à des mouvements répétitifs. »

Finnso Bois commence à vendre des scanners rayon X pour les parcs à grumes. « Cela permet de trier dimensionnellement et qualitativement les bois. La France compte une dizaine d’essences résineuses, explique Christian Lallia. C’est merveilleux pour la biodiversité, mais cela complique l’approvisionnement car les volumes et les qualités varient beaucoup sur tout le territoire. À l’inverse de la Finlande ou de la Suède, il est difficile de constituer des lots homogènes et orientés vers des utilisations adaptées – construction, déroulage, emballage… Les scanners à rayon X permettent d’y parvenir sur écorce sur les parcs à grumes. » Le premier équipement sera installé par Finnos courant 2022 dans les Vosges.

Autre nouveauté, un trieur de planches avec triage des propriétés mécaniques, visuelles et d’humidité. « Il faut jouer dans la même cour que les bois d’importation, en matière de caractérisation des sciages : dimension, qualité, performances…», insiste le dirigeant. Autres tendances : la valorisation énergétique des déchets des usines, scieries, raboteries… (Grâce à la cogénération, les industriels pourront produire de l’électricité en autoconsommation). La modification thermique des bois connaît une demande forte car elle confère au bois une stabilité, une durabilité et dans certains cas, une coloration sans adjuvant chimique. « Les scieries deviennent fortement numérisées, depuis l’entrée de la commande jusqu’à l’empilage et l’étiquetage, avec un rendement de matière optimal, un scanner de profilométrie… », note pour sa part Michel Loyet. Finega va accélérer la révolution 4.0. « On n’en est qu’au début. L’IA va se développer avec le big data. Nous accumulons beaucoup de données avec le live monitoring – des unités sont monitorées à distance 24/24 –, et nous sommes l’un des rares constructeurs à détenir autant de data collectées depuis plusieurs années. » L’analyse des données de production recueillies en temps réel permet de disséquer le fonctionnement des machines et de la production. «C’est bien connu : si vous voulez améliorer quelque chose, il faut d’abord bien le connaître. Nos machines étant communicantes, on comprend leurs cycles de production, pour les optimiser elles-mêmes et optimiser les process. »

Pénurie de composants et délais rallongés : les fabricants tenus d’anticiper

Avec des délais rallongés – jusqu’à 18 mois, selon BZH – et des pénuries de composants, les fabricants sont contraints d’anticiper davantage. « Entre trois et six mois est un miminum », souffle Hervé Doret. Finega modifie certaines fabrications, pour être moins tributaires de certains composants électroniques, électriques ou mécaniques faisant défaut. « Il nous manque parfois peu de choses, par exemple des composants hydrauliques un peu particuliers, pour lesquels les délais de livraison sont passés de quatre semaines à huit mois, ou des composants de scanners », s’agace Michel Loyet.

« On fait tout pour qu’il n’y ait pas de rupture, en anticipant les achats. Il peut y avoir trois ou quatre semaines de délais, sans grandes conséquences pour l’instant », déclare Fabien Iffrig. «Comme la plupart des fabricants, nous sommes impactés sur les composants électroniques, enchaîne Gilles Schimpf. Il est actuellement impossible de se projeter, car nos fournisseurs sont également dans le flou. » Une certitude : « Nous allons subir des retards de fabrication. » Il faut aussi, en bout de chaîne, « impliquer les clients », avec relèvement de prix à la clé, insiste Secal.

« Les délais sont passés de 12 à 18 mois, et on s’attend à pire, s’inquiète Olivier Canet. Les projets s’empilent et les délais s’allongent, peut-être bientôt jusqu’à 24 mois, car le volume de commandes est énorme et les composants manquent. Et on ne peut pas créer des équipes de nuit, faute de personnel qualifié disponible. » Conséquence : une capacité de production à saturation, et des commerciaux qui doivent gérer un problème de surcharge de commandes.

Lot de consolation : tout le monde se retrouve dans la même situation. « La majorité des clients comprennent les retards, car ils voient bien que le phénomène est général », souligne Olivier Canet.

Par ailleurs, la situation des approvisionnements semble s’améliorer ces dernières semaines, « avec des prévisions meilleures pour ce début d’année », selon Hervé Doret. Mais Michel Loyet pronostique une « super inflation pour les prochaines années sur les matières premières, qui va se traduire par une augmentation du prix des machines ». Finega a déjà augmenté à deux reprises en 2021 ses prix. «C’est la première fois que cela nous arrivait », admet-il. Si cette tendance venait à se confirmer sur le long terme, « cela peut devenir un frein à l’investissement ». Certains dépendent moins que d’autres des fournisseurs asiatiques, comme Holzher, qui a son siège en Allemagne (à côté de Stuttgart) et 100% de sa production en Autriche. « Il y a des retards de livraison, mais de seulement quelques semaines », glisse Henri Mathonnet.

Innovation : les machines présentées lors du salon Eurobois

Holzher va exposer un grand nombre de nouveautés : centres d’usinage, plaqueuses de chants, modèles de scies automatiques, nouvelle gamme d’un centre d’usinage ver- tical. « Le report du salon Eurobois en juin est un mal pour un bien, admet Henri Mathonnet. On pourra y présenter plus de nouveautés que s’il s’était déroulé en février. » Hundegger présentera la Speed-Cut 3, qui sera en activité dans un atelier de fabrication complet, spécialement mis en place pour le salon avec plusieurs confrères, tel que Mach Diffusion.

BZH prévoit d’exposer un chariot de découpe de dernière génération, OBX V. Caractéristique : une nouvelle conception hydraulique, avec un circuit par moteur fonctionnant de manière indépendante, garantissant une fiabilisation des mouvements.

Microtec intègre Woodeye et Finscan. « Nous avons développé des scanners de nouvelle génération, qui prennent en compte les spécifications des trois sociétés », révèle Fabien Iffrig. Un nouveau design de scanner longitudinal va être présenté. Deux particularités : des développements liés à l’IA, et ajouts de caméras et de lasers « pour améliorer la détection de certaines particularités du bois ».

Secal annonce de son côté le nouveau logiciel de gestion centralisée. Finnso Bois présentera ses nouveaux partenaires, comme WPM Ab (Wood Product Machinery, Suède), société à croissance forte dans la 2e trans- formation et Finnos Oy. USNR prévoit d’exposer la déligneuse automatique Catech, qui prend les planches, les dispose une par une, les mesure, les aligne et les passe dans la Saw Box 7100 (partie qui coupe les planches). La Saw Box sera présentée « comme un comptoir-bureau quand le capot est fermé, précise Hervé Doret. On sera presque sur un ameublement, un côté design, sans aucun risque pour les visiteurs, même si l’intérieur de la machine sera visible ».

Vers des ateliers connectés et un avènement de la technologie 4.0

D’après les professionnels, la technologie 4.0, adaptée au format de l’entreprise, touchera toutes les structures dans les pays industrialisés. Holzher a, par exemple, développé une suite logicielle, proposée sur toutes les machines, dont l’interface opère un lien direct entre la machine, le bureau d’études et le SAV. « L’idée est de mettre en commun toutes les informations de production et de gestion de l’équipement », observe Henri Mathonnet.

Pour Gilles Schimpf, toutes ces technologies, « déjà à l’œuvre à l’étranger, arriveront en France, mais unique- ment chez les industriels dans un premier temps ». BZH livre déjà les matériels avec la connexion VPN, « ce qui permet d’intervenir directement dans le chariot, en réalisant le diagnostic depuis l’Allemagne. Si une mise à jour s’impose pour une maintenance, le programmateur peut la déclencher à distance », glisse Olivier Canet. « On tend vers des systèmes de contrôle à distance, pour pallier les difficultés de recrutements, renchérit Paul Monnier. Les scieries réduisent de plus en plus leurs postes manuels : manœuvres, alimentation de planches, empilage manuel, triage… Il faut reconnaître que ces métiers, souvent pratiqués dans des conditions difficiles (bruit, poussière, pratiqués parfois en extérieur, etc.), rencontrent un problème d’attractivité, par rapport à d’autres industries, comme l’automobile par exemple. »

« Nos systèmes sont reliés à notre service support, avec une connexion presque en temps réel, détaille Fabien Iffrig. Lorsque le client nous appelle, on peut ainsi interagir directement. La méthode permet de réduire les temps d’arrêt de production, et va devenir un standard industriel, car les lignes de production doivent afficher un taux élevé de productivité. Et c’est en étant connecté qu’on peut réagir rapidement et garder ce taux élevé. »

USNR fait état de mesures de plus en plus précises et rapides : scanners 3D, mesures des grumes en 3D, outils d’analyses et d’optimisation… Ce monde de scieries 4.0 sans opérateur, Olivier Canet n’y croit pas vraiment. «Dans les parcs à grumes, il y a quand même des décisions humaines à prendre, où l’analyse de l’opérateur est primordiale, en fonction de la qualité du bois et des impératifs de sécurité. » Analyse assez proche pour Christian Lallia : «Au 4.0, je préfère le 5.0, où l’humain demeure omniprésent, sourit-il. Le bois est une matière première vivante rarement homogène. Le modèle 4.0 est adaptée pour le PVC, moins pour la première transformation du bois. » Avant de conclure : «La technologie 4.0 n’en est pas moins pertinente pour l’assistance, le contrôle de qualité, la productivité, et la maintenance prédictive. »

Sur ce dernier point, le Finlandais Raute (équipements pour la fabrication du contreplaqué) intègre un système d’anticipation des pannes, et Veisto a racheté une entreprise spécialisée dans la maintenance prédictive pour l’aéronautique.

Christophe Granjus, directeur commercial SCM France « Beaucoup de projets en cours chez nos clients »

Sur un stand de 500 m2 , avec la présence des experts de l’équipe SCM de la filiale française et du siège italien, le Groupe présentera à Eurobois une vaste gamme de solutions de haute technologie pour toutes les exigences productives de l’industrie du bois. Avec en particulier, un centre d’usinage de menuiserie, un nouveau modèle de plaqueuse de chant (Stefani x), une machine de finition pour le vernis (Superfici mini p), une scie verticale issue de la nouvelle gamme Gabbiani v-vs-vsi, une ponceuse dmc eurosystem ou encore des machines classiques. Une édition particulière pour SCM Group, qui fêtera ses 70 ans à cette occasion.

Forte tendance vers le 4.0

Le climat des affaires est bon. « 2022 s’annonce bien. On sait qu’il y a beaucoup de projets en cours chez nos clients. La demande tend vers le 4.0, vers des systèmes de plus en plus automatisés. Nous sommes capables d’équiper les PME et les industries en matière de 4.0. Par exemple, nous finissons d’installer une usine 4.0 pour Gautier, l’un des plus grands fabricants de meubles français ». Le principal pôle développement est le magasin de panneaux, « pour alimenter soit un centre d’usinage, soit une scie à panneaux, soit les deux ». Autre pôle dynamique : la robotique, « devant du sciage ou en introduction du plaquage de chant. Des clients commencent à s’équiper, comme une grosse PME près de Cholet, dans laquelle un robot prendra les pièces usinées et les réintroduira dans une plaqueuse». Par ailleurs, les systèmes automatisés se généralisent dans l’industrie du bois massif. Selon Christophe Granjus, « toutes les PME vont s’équiper en ateliers connectés et technologie 4.0 ». Suivant cette tendance, SCM Group « est capable de s’adapter en fonction de la taille de l’entreprise, avec des solutions technologiques en mesure de répondre à toutes les exigences du secteur, de l’entreprise artisanale avancée à la grande industrie. C’est notre force : nous développons nous-mêmes tous nos systèmes de supervision de ces unités 4.0 ».