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Scierie de demain : Optimiser la production pour satisfaire la demande

 

Nouvelles lignes automatisées, scanners, machines 4.0, intelligence artificielle, maintenance prédictive… La transformation des scieries s’accélère, pour optimiser la production.

Sur la route de la scierie du futur, Michel Loyet, président de Finega (machines de scieries 4.0, pour la 1re transformation), insiste sur la nécessaire « digitalisation globale du process de sciage et du fonctionnement des scieries dans le cadre de l’industrie 4.0 ou industrie du futur Finega a développé des machines intelligentes et connectées, qui embarquent de l’intelligence artificielle (IA). »
Les machines doivent être connectées pour être 4.0 – profilométrie laser, reconnaissance 3D, robotisation et collectes de data en temps réel. Les serveurs de stockage permettent de remonter les informations de production et de la vie de la machine. Cette utilisation fine de la donnée sert à « optimiser les process et monitorer des scieries à distance, expliquet-il. Finega monitore par exemple des unités de clients situés en Italie, en Hongrie, en Guyane et en France métropolitaine, depuis le data center situé à côté de Lyon ».

Le système assure une fluidité de production, vérifie l’état des machines, identifie celles qui sont en sous-charge ou surcharge… Quel est et sera l’apport de l’IA ? « L’IA collecte les informations sur le suivi d’une machine, sur son fonctionnement, ses mouvements, pour en déterminer son efficience. Nous allons très loin dans l’analyse des données en temps réel. Via des capteurs embarqués dans les machines, les données de fonctionnement des sous-ensembles sont collectées : broches, glissières, roulements…» Avec des applications surprenantes  : depuis son data center, Finega peut par exemple contrôler la température d’un roulement d’une machine en Hongrie. Une indication précieuse pour détecter de possibles dysfonctionnements, dans le cadre d’une maintenance prédictive.

Première scierie 4.0 pour les feuillus en 2024

 « Tout l’enjeu est de faire vivre à plein ces technologies sophistiquées, nécessaires aux entreprises, alors que celles-ci n’ont pas de maintenance sur place ou des salariés avec peu de niveau de qualification. Par exemple, comment garantir le fonctionnement de système 3D, à distance, alors qu’ils ont un impact direct sur la production ?  », résume Michel Loyet. La généralisation des machines connectées apporte ce service aux clients, même s’ils ne parlent pas français.
« Nous n’avons plus besoin de discuter avec le client pour savoir ce qui se passe sur une machine. Les systèmes détectent seuls si la machine rentre dans une zone d’anomalie (vitesse, température, puissance…) », précise-t-il.

L’IA appliquée aux process et aux matériaux est une nouvelle piste de R&D. « À ce stade, nous exploitons 80% des données collectées. » L’IA pourra adapter les scénarios de sciage en fonction des types de matière première. Des perspectives intéressantes dans le feuillu.

Finega livrera en 2024 la première scierie 4.0 pour feuillus multi-essences, en région parisienne, « Une scierie complètement pilotée par l’IA depuis l’arrivée des grumes sur le parc jusqu’à l’empilage intelligent et robotisé des sciages en fonction des commandes ». Les process de sciage seront optimisés en fonction des différentes essences, et s’adapteront aux changements de commandes. L’investissement du client de Finega s’élèvera à environ 8 millions d’euros.

Nouvelle scierie gros bois pour le groupe Siat

LBSA, grosse scierie de chêne, a en 2020 injecté 14 M€ dans une scierie automatisée, qui transforme 15 000  m3 de grumes de chêne par an.
« Les objectifs principaux sont d’assurer le volume nécessaire en plateaux dépareillés à notre atelier de délignage après séchage et d’étoffer notre offre de produits auprès de nos clients », indique LBSA. Le groupe Siat monte de son côté une scierie de gros bois en 2023. Des systèmes de scan et d’optimisation sophistiqués y seront déployés afin d’améliorer la détection amont de la qualité des bois. D’autres projets seront portés en région Occitanie, vers Castres.
« On sait mal scier les gros bois avec un coût de revient intéressant. Or, des massifs entiers regorgent de gros bois. Il est impératif de mieux les valoriser », observe Marc Siat.

La scierie 4.0 doit permettre d’optimiser la ressource, « alors que l’aval exprime de plus en plus de besoins, et que l’amont en aura moins, sous l’effet du réchauffement climatique ». Aujourd’hui, « la scierie française ne collecte que la crème de la crème : épicéas, douglas dans les meilleures qualités et les plus petits diamètres… Mais demain, on ne pourra plus se cantonner à ces seules qualités, sous l’effet de l’augmentation des prix. C’est aussi vrai dans le feuillu. Sur les bois énergie ou les bois d’industrie, il faudra être plus fin dans les classements et pouvoir isoler la part des bois qui pourront avoir une utilisation de structure. » Ce qui passe, là aussi, par des systèmes de scan plus perfectionnés, « qui vont devenir la norme ».

La ligne d’optimisation Manubois, exemple de scierie 4.0

Autre exemple, la ligne d’optimisation Manubois Groupe Lefebvre. Cette unité de production dans le feuillu a été construite avec cinq scanners Microtec, sur un bâtiment de 2 500 m2 . « L’installation de System TM démarre de l’alimentation de semis avivés, venant de la scierie Lefebvre, jusqu’au trieur des pré-débits », précise Fabien Iffrig, responsable du marché francophone pour Microtec.
La ligne accepte des colis jusqu’à 2,4 m de large sur une hauteur maximum de 2,6 m. L’Opti-Feed 6000 Vack place par couche les produits sur le convoyeur en amont du premier Scanner Microtec «Wanescan -Optiline ». Après avoir scanné sa forme, le plateau se dirige vers la première scie d’optimisation SystemTM Opti-Kap  3500. Puis, le plateau est transporté directement vers le deuxième scanner Microtec Goldeneye 601, qui détermine le schéma de sciage, d’après les différentes qualités présentes sur le produit.

« Les plateaux sont ensuite positionnés automatiquement avant l’introduction dans la déligneuse CML, composée notamment de six lames déplaçables », détaille Fabien Iffrig. En sortie, les différents bandeaux se dirigent vers le troisième scanner Microtec Goldeneye 302 doté de Rayons X puis l’humidimètre M3scan et enfin le scanner pour la forme Curvescan. « Avec toutes ces informations, l’optimisation détermine les schémas de coupe pour la tronçonneuse System TM OptiKap 3000. Pour finir, les composants en bois de qualité spécifique sont triés dans différents box. Cette ligne intègre toutes les spécificités de l’usine du futur : flexibilité, scanners Microtec, machines de hautes technologies », conclut-il.

Ces bonds d’innovation sont précieux dans le sciage des feuillus, car ils apportent une qualité stable. « Avec l’IA, couplée aux nouvelles technologies de caméra, l’aubier et le cœur pourront être différenciés. C’est important, car certains produits n’acceptent pas d’aubier. Les lignes de scannage pour les feuillus ont un peu de retard à rattraper par rapport aux résineux », analyse Fabien Iffrig. Les machines sont connectées à distance, avec des check-up à distance et une intervention en présentiel une à deux fois par an (réglages, calibrations, vérifications…). Reste que ces technologies coûtent cher. « Il faut une garantie d’approvisionnements, avec un volume minimum de 50 000 à 60 000 m3 annuel », précise Nicolas Douzain Didier. Les appels à projets de France Relance suscitent en tout cas un engouement. « La scierie française investit en temps normal 380 millions d’euros par an. Dans les appels à projets de 2021, plus d’un milliard d’euros de projets ont été déposés. » Ce qui montre l’appétit de la scierie française pour lancer des phases d’investissements, où les technologies 4.0 ont toute leur place.

Hubert Vialatte