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Le Bassin du Congo en quête de certification

Gérer plus durablement les forêts du Bassin du Congo pour lutter contre la déforestation, tel était en substance le message que souhaitait faire passer l’ATIBT le 17 mars dernier lors d’une conférence de presse. L’occasion pour l’association de revenir sur les avancées du programme Fair&Precious et de faire partager plusieurs témoignages émanant du terrain.

Les forêts tropicales jouent depuis toujours un rôle clé dans le bon fonctionnement et la régulation du climat à l’échelle planétaire. À l’heure du changement climatique et du réchauffement de la terre, elles représentent les derniers poumons verts de la planète, capables d’absorber et de stocker le carbone. Si l’on parle souvent des vertus de l’Amazonie, menacée par la déforestation et l’agriculture, on aborde moins fréquemment la question du Bassin du Congo. Deuxième poumon vert du globe, cette forêt tropicale de 300 millions d’hectares est un énorme réservoir de bois, de biodiversité et d’emplois où la certification a encore du mal à s’imposer : «Aujourd’hui, la certification est connue mais on ne paie pas le juste prix pour ce bois car il y a une réelle concurrence des exploitations illégales qui ne respectent pas les règles et mettent à mal l’environnement et la société, assure Françoise Van de Ven, présidente de l’ATIBT. 300 millions d’hectares de forêt ne peuvent pas être sous surveillance au quotidien et, sur 51 millions d’hectares de forêt de production, seulement 10 % sont certifiés. C’est en progrès mais beaucoup de travail reste à faire », résume la présidente.

Vers un doublement des surfaces certifiées

Si la certification reste encore largement minoritaire dans cette partie du Globe, l’ATIBT et ses partenaires interve- nant dans la région fondent malgré tout de grands espoirs quant à la progression d’une gestion durable des massifs. Ils espèrent parvenir à un doublement des surfaces cer- tifiées au cours des prochaines années, ainsi qu’à l’élar- gissement de la certification du bois tropical africain au Liberia et à la Sierra Leone [sous réserve d’apaisement de certains conflits internes NDLR] ; de grands espoirs portés notamment par la création il y a quelques années d’un pro- gramme inédit baptisé Fair&Precious. Créé il y a cinq ans, ce programme fixe aux gestionnaires forestiers dix objec- tifs de durabilité, alignés avec les objectifs de développe- ment durable de l’ONU (maintien de la biodiversité, lutte contre le braconnage, formation des acteurs de la filière bois…). Il intègre en outre des engagements environne- mentaux et humains, tout en promouvant l’initiative de gestion durable des forêts, tant dans les pays producteurs que dans les pays européens. Désormais bien ancré dans la région, le programme apporte de vrais bénéfices en termes de gestion durable et de retombées économiques : « Sur le plan économique, notre ambition est de continuer à valoriser l’initiative Fair&Precious car grâce à cela, nous continuons de préserver les forêts tropicales pour les géné- rations futures, tout en créant de l’emploi en local et en dynamisant la faune et la flore et en stockant du carbone », poursuit Françoise Van de Ven.

Former et informer

Premier employeur après l’État dans les trois pays du Bassin du Congo (Congo, Gabon et RDC), la filière forêt- bois représente par exemple 17 à 18000 emplois rien qu’au Gabon, avec une réelle perspective de croissance due à l’avancée de la transformation du bois dans le pays. D’où l’importance de poursuivre les initiatives engagées et de sensibiliser les professionnels locaux en développant notamment les formations. « Si nous voulons protéger la forêt, consommons du bois certifié au juste prix, insiste Benoît Jobbé-Duval, directeur général de l’ATIBT. Aujourd’hui les entreprises forestières font en quelque sorte de la cueillette, c’est-à-dire qu’elles prélèvent un, voire deux arbres par hectare tous les 25 ou 30 ans. C’est essentiel de saisir ce que représente la gestion durable des forêts pour les générations à venir. Importateurs et consommateurs de bois tropical doivent comprendre que choisir du bois certi- fié c’est donner de la valeur à la forêt, pour les populations qui y vivent et en vivent. » Autant de défis à relever par les populations locales avec le soutien sans faille de l’ATIBT. «Le bois tropical est la seule matière première naturelle, renouvelable à l’infini, qui apporte des services aux populations locales et à toute la planète, conclut l’association. Notre mission et celle de tous les acteurs de la filière est de promouvoir le bois certifié pour préserver ce trésor pour les générations futures… »

Témoignages

NORBERT GAMI, ANTHROPOLOGUE, CONGO

Le Congo fait partie des premiers pays certifiés FSC depuis 2008. Plus de 2 millions d’hectares de forêts sont désormais certifiés et répondent à une volonté politique nationale d’avoir une forêt gérée durablement. Aujourd’hui, l’exploitation forestière est vue comme destructrice alors qu’au contraire, nous avons vu des progrès énormes en termes de conditions humaines et sociales des populations dans les exploitations gérées durablement. Celles-ci permettent un accès aux systèmes d’éducation et de santé, mais ont également permis de légaliser les contrats de travail, apportant ainsi une sécurité de l’emploi. La certification améliore de façon concrète le quotidien des populations locales et autochtones, et la prise de conscience de l’importance de la préservation des forêts est réelle parmi les habitants.

EDWIGE EYANG EFFA, ATTACHÉE DE RECHERCHE

À L’INSTITUT DE RECHERCHE EN ÉCOLOGIE TROPICALE, GABON

Les concessions certifiées participent à l’accroissement de la biodiversité. Les exploitants qui respectent la règlemen- tation durable (prélèvement sélectif, rotation dans la coupe de bois, conservation des écosystèmes rares…) participent grandement à la préservation de l’environnement. Le Gabon a récemment imposé à toutes les concessions forestières des études d’impact environnemental, ce que les conces- sions certifiées font déjà en profondeur. Elles doivent en effet justifier de participer à la protection de la faune et de la flore. La certification est toujours bénéfique pour l’envi- ronnement, sans compter les aspects transversaux tels que les droits des communautés et des travailleurs.

Quid de la forêt tropicale du Bassin du Congo

 • 300 millions d’hectares de forêts denses, soit environ 3/4 de la surface de l’UE ; 

2e poumon vert de la planète après l’Amazonie ;

 • 25 % du stockage de CO² terrestre tropical ; 

10 millions d’hectares de surfaces certifiées (garanties zéro déforestation); 

• Plus de 10 000 espèces de plantes et 400 essences de bois ; 

• La filière bois est le premier employeur des pays du Bassin du Congo après l’État. 

Adèle Cazier