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Commerce

La situation de la filière bois est tout sauf un long fleuve tranquille

Jean-Louis Camici, président de LCB

Le 15 juin, les membres et partenaires du Commerce du Bois étaient réunis à SaintOuen, aux portes de Paris, pour assister à l’assemblée générale de l’association. L’occasion pour la soixantaine de participants de revenir sur les travaux réalisés par les différentes commissions au cours des 12 derniers mois. Compte-rendu.

Entre l’instabilité du contexte géopolitique, la chute des ventes de bois ou la crise énergétique, « 2022 est tout sauf une année normale après les années Covid, explique Jean-Louis Camici, président de LCB, en guise d’introduction. Quant à 2023, les perspectives s’annoncent contrastées avec des incertitudes sur les marges et les volumes, dans un contexte difficile pour le secteur du bâtiment en France et dans le monde ». Aujourd’hui, la situation de la filière bois est donc « tout sauf un long fleuve tranquille », poursuit le président, entre la volonté des politiques « qui poussent enfin à l’emploi du bois » et les contraintes réglementaires qui « pèsent sur les professionnels de la filière ». Un contexte particulier au sein duquel LCB compte plus que jamais poursuivre ses nombreuses actions en matière de communication, de réglementation, de normalisation, d’innovation, de formation ou de promotion des métiers… « Nous devons agir collectivement et défendre le bois comme matériaux d’avenir conclut Jean-Louis Camici, avant de céder la place à la restitution des travaux des différentes commissions dont voici un aperçu.

Commission Résineux : ralentissement general

Après plusieurs années de croissance, le commerce des bois résineux a connu un premier ralentissement post-Covid en 2022. Ce dernier, couplé avec le début de la guerre en Ukraine, a fini de déstabiliser le marché mondial. Si les situations sont grandement contrastées selon les macrorégions du globe, deux tendances générales se dessinent : la pandémie a engendré de nombreuses sur-réactions concernant la demande ; il est aujourd’hui très compliqué de connaître le rapport réel entre production et consommation. Si l’on s’intéresse plus en détail à la production, « on note une légère baisse en Suède et en Finlande depuis le début de l’année 2023 en partie liée aux grèves récurrentes en Finlande », analyse Armel Chaumont. Même phénomène outre-Rhin avec un ralentissement continu de la production [- 15% sur avril NDLR]. Outre-Atlantique les mesures de protection en faveur des peuples autochtones et les feux de forêts ont impacté la production canadienne, tandis qu’aux USA une légère baisse de la production est à mettre en corrélation avec un décrochage de la demande ! Dans la même mouvance, « les chiffres de la consommation sont globalement en berne en Europe », avec beaucoup de disparités selon les pays, [reprise en Espagne et en Italie NDLR]. Même tendance baissière aux USA «malgré des prévisions trop optimistes de la banque fédérale qui maintient ses taux ». En Extrême-Orient, la Chine augmente ses importations depuis l’Europe tout en étant en proie à une profonde crise dans le secteur de la construction. Le Japon, « qui reste un pays à part, achète tout en même temps et arrête tout en même temps ». Résultat : les importations ont chuté de 45%, tout comme les stocks, mais le retour aux achats devrait intervenir d’ici quelques semaines. Bonne nouvelle enfin du côté du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord avec une demande soutenue malgré des fluctuations…

Commission Panneaux : stop au «Russian Washing»

Au niveau des panneaux, l’année 2022 se termine sur un bilan mitigé avec une baisse des volumes importés de l’ordre de 10% à l’échelle du globe, pour une valeur qui reste constante. Aux trois quarts feuillus, ces panneaux proviennent principalement de Chine, de Belgique, d’Espagne ou de Finlande, mais aussi plus étonnement de Turquie qui se hisse parmi les principaux fabricants ! En cause, le «Russian washing » qui fait émerger de nouveaux pays producteurs comme la Turquie ou encore l’Arménie pour faire entrer des panneaux « lavés » sur le marché mondial. «Attention donc aux approvisionnements en contreplaqué de bouleau asiatique, rappelle Anne Bertocchi, présidente de la commission. Dans ce contexte, il est préférable de choisir des essences de substitution. » Outre les impacts du conflit russo-ukrainien, les travaux de la commission ont notamment porté sur l’application de la REP PMCB, « pour laquelle nous attendons toujours des précisions concernant les panneaux de contreplaqué » ou encore sur les impacts du RDUE sur l’activité des professionnels du secteur. Sur le plan du commerce enfin, après un 1er semestre 2022 sous tension avec des prix fortement orientés à la hausse et un manque chronique de containers, l’année 2023 s’annonce bien différente avec un marché «moins demandeur, des containers plus disponibles et une baisse du prix du fret… mais en contrepartie avec l’apparition de problèmes de transit, des délais qui s’allongent, des grèves, des escales non respectées, et des alliances qui se font et défont au sein des compagnies maritimes…»

Commission Terrasse : vers une timide reprise ?

Du côté de la commission Terrasse, l’année  2022 avait démarré de la plus belle des manières avec la publication des perspectives très optimistes de l’étude Mornas sur le marché des terrasses bois & composites qui prévoyaient pas moins de 23 millions de m2 de terrasses mis en œuvre dans l’Hexagone en 2023. « De belles progressions que l’on n’a malheureusement pas vues », souligne Claudie Maindron, à la tête de la Commission. Après la pandémie, la baisse des trésoreries des entreprises couplée au manque de visibilité ou a une météo capricieuse ont en effet eu raison de ces belles prévisions  : loin des 23  millions de m2 prévus par cette étude, l’année en cours devrait se solder par un marché de la terrasse bois autour de 10 millions de m2 , soit un recul de 6 millions par rapport à 2022 ! Malgré un timide début d’année pour les professionnels du secteur, l’arrivée de l’été laisse entrevoir quelques espoirs pour le second semestre avec des surstocks qui commencent à baisser chez les fabricants, des commandes de réapprovisionnement dans les négoces, et des ventes un peu meilleures chez les professionnels de la distribution (négoces et GSB)… À suivre

Commission Bois tropicaux : des marchés porteurs

Autre commission et autre tendance pour les bois tropicaux où le marché semble porteur tant au niveau des volumes que de la valeur  : « En Afrique, les prix des bois ont augmenté de 15% l’année dernière, ce qui n’était pas arrivé depuis 25 ans, souligne Dominik Mohr, à la tête de la commission. Cette hausse est salutaire pour les producteurs, mais moins pour les clients. » Outre la bonne forme constatée des marchés des bois tropicaux [3 millions de m2 de bois importés pour le seul secteur de la terrasse en 2022 soit 20% du marché français NDLR], la commission Bois Tropicaux s’est intéressée ces derniers mois aux évolutions des essences inscrites à la Cites, « avec l’ajout très mal anticipé par la filière du doussié, du padouk et de l’acajou à l’annexe II, sachant que ces trois essences ne sont pas menacées d’extinction en Afrique, insiste Domnik Mohr, et que cette inscription s’est donc faite sans justification ! ». Parmi les autres actualités de la commission, la stabilisation des prix des bois tropicaux ces derniers mois en lien avec un marché moins dynamique, le retour à la normal des prix du fret asiatique qui sont passés de 20 000 à 1 000  dollars/ container, ou encore l’augmentation des produits transformés en provenance du Bassin du Congo et la demande toujours plus importante en bois certifié malgré une offre qui reste insuffisante.

Commission Négoce : cap sur la formation

Concernant la commission Négoce enfin, « les travaux de l’année  2022 ont notamment porté sur la formation avec la mise en place de l’Académie LCB pour la formation du personnel », explique son président, François Laresche. Désormais opérationnelle, cette Académie s’adresse à tous les adhérents LCB, qu’ils soient commerciaux, acheteurs, chefs d’entreprise… Son objectif étant de faire monter en compétences les forces de ventes, avec la possibilité de réaliser des évaluations sur les acquis des salariés. Si 9 modules étaient proposés en 2022, le dispositif sera totalement déployé d’ici la fin de l’année 2023 avec 20 thématiques à disposition des professionnels de la distribution de produits bois et de ses dérivés. Le tout, assorti d’un onglet « académie » sur le site de LCB qui permettra aux membres de l’association d’accéder à l’intégralité de l’offre de formation en quelques clics.