INDUSTRIE ● NÉGOCE ● CONSTRUCTION

Commerce

La préservation, la finition et l’embellissement des bois

Un prérequis pour gagner des parts de marché

La quantité de peinture par fenêtre est en développement, selon Cédric Meney et Jean-Philippe Robin, directeur Europe du Sud et de l’Est pour la division bois d’AkzoNobel (site de production en Suède), spécialisé dans la production de peintures pour les éléments en bois. «Les fabricants ont investi ces dernières années sur des produits d’application de peinture, sur des lignes de finition, avec l’ambition d’avoir un maximum de fenêtres en finition complète garantie, explique Jean-Philippe Robin. Ce segment se développe d’environ 10% par an depuis 5 ans. Avant, le pourcentage de fenêtres peintres était faible. Les menuisiers veulent aller vers 100% de finitions complètes, ce qui amène des perspectives de progression intéressantes. » « Les Jeux de Paris 2024 nous ont tirés vers le haut au cours du 1er semestre : traitement des bois de façade de la piscine olympique, îlot A à Saint-Denis… Ce sont des commandes assez volumineuses », enchaîne David Herreman, directeur associé de Fibex (vente de produits aux industriels, appliLa préservation, la finition et l’embellissement des bois Un prérequis pour gagner des parts de marché Actuellement, plus des 2/3 des menuiseries fabriquées en France sont finies en atelier. N°213 Juin 2023 – 41 cation industrielles de finitions pour les bois extérieurs et de protection au feu pour les bois intérieurs). Autre levier de croissance : la protection au feu pour les bois, où « la demande explose ». Résultat, cette branche d’activité, lancée il y a seulement huit ans, représente à ce jour 35% du chiffre d’affaires. Les vernis intumescents Teknosafe, de la marque Teknos, sont déployés pour la protection des bois intérieurs. « Les nouvelles normes, encore en discussion, vont nous permettre d’avoir une visibilité de croissance plus précise sur ce segment. »

Le climat des affaires est « stable, voire en légère progression » lors du 1er semestre sur la partie industrie du Corrézien Obbia, dont l’activité se répartit entre industrie (70%) et revente (30%). Les hausses des prix des matières premières (jusqu’à +300%) « n’ont pas pu être répercutées en totalité », affirme Bernard Constant, directeur commercial. La partie commerce accuse une baisse de 15 à 20%. « Nos principaux revendeurs, Sétin et Trenois Decamps, enregistrent une baisse de fréquentation depuis la rentrée  2022. Cela s’explique par l’inflation. Les gens mettent leurs priorités ailleurs. » Obbia en fait les frais pour les produits saisonniers du bois, où la demande a chuté. C’est un effet de balancier, après la période Covid « où le négoce nous a beaucoup aidés ».

L’inexorable montée en puissance des produits en phase aqueuse

Sikkens renouvelle sa gamme avec des résines plus performantes, en termes de vitesse de séchage, de productivité et d’esthétique, avec la volonté de faire progresser sa gamme de produits en phase aqueuse. Alors que le marché des bois intérieurs est encore à 70 % composé de produits solvantés. Sur les bois extérieurs, où Akzo Nobel développe des produits en phase aqueuse depuis 20 ans, « il n’y a pas de changement de technologie, mais une évolution de performance, vers une plus grande durabilité et une plus grande transparence, détaille Jean-Philippe Robin. Nous arrivons aujourd’hui sur des finitions opaques ou transparentes, proches de la qualité d’un meuble. Cela s’explique par notre R&D, mais aussi par la compréhension de l’utilisation de nos produits par nos clients. Ils veulent aller vers l’esthétisme et la garantie. La menuiserie, en qualité meuble, devient un élément de design. »

Fibex se concentre sur les produits en phase aqueuse. «C’est la demande du marché, et nous avons dimensionné notre équipement pour ces produits », ajoute David Herreman

Chez Blanchon, les produits en phase aqueuse, en progression, représentent désormais plus de 80% de l’offre. «C’est chez eux que l’on trouve le plus d’innovations, en particulier dans la mise en valeur des bois en extérieur, et le plus de pro duits à évolution technique positive », relève Vincent Lepais. Les produits en phase aqueuse existent depuis plus de 10 ans pour les terrasses. «Blanchon affiche une position forte sur ce créneau, avec des produits au caractère environnemental marqué et revendiqué. Ce sont des produits performants, et pratiques à utiliser. » Une partie significative des lasures se fait toujours avec des produits solvantés. «Les produits en phase aqueuse sèchent plus vite en plein été, ce qui peut représenter des difficultés d’application. Mais cela ne concerne qu’une partie du marché.» 90% des produits d’Obbia sont en phase aqueuse. « Nous allons continuer à favoriser les produits à l’eau, expose Matthieu Barrière, responsable R&D. Les gens ont désormais l’habitude de travailler avec des produits en phase aqueuse. »

Nouvelles gammes plus écoresponsables

Sur le marché des bois intérieurs, AkzoNobel a lancé cette année la nouvelle gamme Sikkens Intérieur, avec notamment une dizaine de produits en phase aqueuse mis au point après trois ans de R&D ayant mobilisé cinq personnes à plein temps. L’accueil, simultané dans plusieurs pays européens, a été « très positif. Nous anticipons une évolution, avec la poussée réglementaire et une prise de conscience écologique ces derniers mois. Nous sommes poussés par de très grands groupes européens, qui sont nos clients, pour accélérer notre évolution vers des produits en phase aqueuse, contenant des produits renouvelables », analyse Jean-Philippe Robin. Sur le plan marketing, Akzo Nobel a décidé de mettre de l’ordre, avec un resserrement sur une seule marque distribuée en France, la marque Sikkens Wood Coatings. La typographie du logo a été modifiée, et la marque modernisée. Tous les produits sont par ailleurs rassemblés dans un même catalogue. Le site web donne accès aux fiches techniques des produits et certificats, et propose des conseils d’utilisation via des applications dédiées. Par exemple, une application permet de sélectionner les produits pour une fenêtre, une façade de cuisine… Fibex observe une « grosse tendance sur les saturateurs, pour l’embellissement des façades ».

 Autre phénomène, les saturateurs de prégrisaillement (comme ceux d’AkzoNobel, Durieu…), plébiscités par ceux qui recherchent des bois sans entretien. Blanchon concentre son innovation dans la famille des produits en phase aqueuse. « Nous avons sorti il y a quelques années une gamme de lasure qui peut s’appliquer directement sur les bardages constitués d’essences difficiles  –  classifiées non imprégnables. Cette gamme adhère directement sur du mélèze et du douglas, des essences en constante progression mais difficiles à protéger, décrypte Vincent Lepais. Notre gamme ne requiert pas de préparation chimique et mécanique. La tranquillité est assurée pour de longues années. » Le label de performance CTB Finition Bois (FCBA) a été obtenu il y a trois ans. «Les produits en phase aqueuse sèchent plus vite, ce qui constitue un avantage important, mais peut, en plein été, nécessiter des aménagements dans l’organisation du travail. Une partie du marché des lasures est toujours occupée par des produits solvantés, dont l’application est considérée comme moins sensible aux très fortes chaleurs. » Dans les bois intérieurs, Blanchon a intégré la société belge Ciranova, spécialisée dans la finition et la décoration des bois intérieurs. « Leurs produits déclinent des nuances très actuelles, en teintes spéciales et en finition. Les teintes spéciales créent un effet vieilli, très recherché par les décorateurs. Après application d’un gris souris ou lin sur un bois neuf, ce dernier prend, en 4 heures, l’effet qu’il aurait en restant trois ans dehors », raconte Vincent Lepais. La marque Ciranova déploie 4 gammes (teintes, vieillisseurs, huiles teintées…), avec 16 nuances par gamme. Blanchon propose Unico, une huile spécifique sans eau ni solvant, composée à 100% d’extrait sec. «Tout ce qui est appliqué reste, pose Vincent Lepais. Unico permet de réaliser une finition naturelle (en non teinté) ou teintée, du blanc très laiteux jusqu’au noir d’ébène, en passant par de nombreux gris, brun…» Avantage : « L’obtention d’une finition en une seule couche. Ce qui est très apprécié par les menui

siers et les agenceurs, souvent pressés au niveau des délais de livraison. Unico sèche vite, du jour au lendemain, et permet d’obtenir rapidement des finition solides et décoratives sur les ouvrages en bois. » Ces finitions sont capables de supporter des usages intensifs : restaurants, hôtels, magasins… Nouveauté 2023 de la gamme Ciranova, une nouvelle gamme d’huile à l’eau, Ecofix+, qui propose en phase aqueuse des huiles de finition pour le bois. Cette huile en phase aqueuse « n’a aucune influence sur la couleur du bois sur laquelle elle est appliquée ». Les architectes, agenceurs, menuisiers et décorateurs plébiscitent, d’après Vincent Lepais, ce type de finition certifiée « résistante, écologique, rapide, qui sèche en une heure », utilisée sur des essences claires comme le pin ou le bouleau, et pour les CLT.

Obbia, fabricant 100% français de 15  salariés, vient de lancer deux nouvelles gammes écoresponsables en phase aqueuse, une en négoce et une en industrie, après trois ans de R&D. « Il s’agit de produits à faible impact carbone, avec des matières premières renouvelables et des taux de composés organiques volatils faibles (COV), notamment pour les revendeurs », explique Matthieu Barrière. Certes, les produits coûtent plus cher. D’où une stratégie davantage orientée négoce qu’industrie. « Nous pouvons viser plus haut dans l’activité revendeur, admet Bernard Constant. Nous restons sur des quantités de matières premières biosourcées plus modestes dans l’industrie (de l’ordre de 10%) pour garder un prix contenu. L’industrie n’est pas encore prête aujourd’hui à mettre le prix sur des produits éco-responsables. On va y aller progressivement, en augmentant la quantité de matières premières biosourcées au fur et à mesure que les ventes se développent. » Les nouvelles matières premières utilisées sont « des résines à base d’huile végétale avec des technologies avancées, des cires à base de son de riz », ou encore, plus original, « des résines à base de PVB, issu de feuilletages de pare-brise. C’est un recyclage à faible impact carbone ! »

Le sourcing de produits biosourcés est limité à l’Europe. « La matière première qui se trouve à proximité ne correspond pas toujours à nos objectifs de performance. Obbia est historiquement reconnu pour son assiduité dans les certifications et ses produits de forte qualité, nous sommes intransigeants sur ce point », justifie Matthieu Barrière.

Obbia a enfin lancé, il y a deux ans, une gamme contre le feu pour les bois intérieurs et extérieurs, après cinq ans de R&D. «On sait qu’il va y avoir une demande pour les chalets et les bâtiments bois, y compris pour l’extérieur. Les normes ne vont pas tarder à arriver », anticipe Bernard Constant. Ce saturateur par imprégnation « offre une bonne résistance au feu. Il n’empêche pas le bois de brûler, mais ralentit l’action du feu, et permet une évacuation des occupants et l’intervention des pompiers ». L’application des produits ignifuges intérieurs fait l’objet de formation auprès des applicateurs et des peintres en bâtiment. « Il faut respecter les grammages avec une épaisseur définie. C’est un produit onéreux et il n’y a aucun intérêt d’en mettre plus que la dose requise. »

Techniques d’applications plus efficaces et automatisées

En extérieur, les techniques d’application tendent de plus en plus vers l’automatisation. Cette application par des robots « permet d’avoir une constance d’application plus importante, alors que l’on constate des variations avec l’humain», relate Cédric Meney. Cette constance d’application sécurise les garanties, et rallonge leur durée. Fibex invite à passer par des professionnels, aptes à effectuer une application « sur une très large gamme de sections, supports et essences de bois. Nous apportons une flexibilité en termes de teintes, de supports et de réactivités. Avec, au final, la sécurité d’une application conforme aux préconisations des fabricants et au DTU», cadre David Herreman. Lorsqu’un non-spécialiste effectue l’application, « il peut y avoir des non-respects de dosage, le risque d’être non-conforme, et des problèmes de tenue et de teinte ». Sur les imprégnations extérieures, comme les terrasses, Blanchon propose des systèmes de saturateurs, classés dans la gamme des huiles extérieures. L’entretien se réalise par une simple nouvelle application. « Il suffit d’appliquer deux couches dans la matinée, et vous pouvez occuper la terrasse à midi », illustre Vincent Lepais. La technique d’imprégnation progresse. Elle protège le bois «non pas par la formation d’un film, comme le feraient une lasure, un vernis ou une peinture, mais en pénétrant le bois et en enrobant la fibre. On est ainsi certains de ne jamais avoir d’écaillage ». Cette technique permet de protéger des bois horizontalement, sur lesquels l’eau peut rester longtemps, lors des orages d’été ou d’épisodes neigeux en hiver, par exemple.

Tunnels d’application de finitions, fabrication de résines : exemples d’investissements des fabricants

Akzo Nobel internalise la fabrication de résines, pour être plus autonome et plus performant économiquement. Fibex a investi dans trois  nouveaux tunnels d’application de finitions par pulvérisation, pour atteindre six lignes de production. «Ce qui, depuis mars, augmente de 25% notre capacité de production, avec une vraie force de frappe et une réactivité, pour répondre à une demande croissante », se félicite David Herreman. Les trois nouveaux tunnels amènent ainsi «des gains de productivité et une plus grande flexibilité pour les gabarits de pièces, avec des changements de couleurs et de produits encore plus rapides ».

Blanchon se concentre sur l’harmonisation de ses sept sites de production européens (trois en France, et en Belgique, Pays-Bas, Italie, Suisse), et la mise en place d’une politique RSE volontariste. Cette dernière se concentre sur « la rationalisation des produits, le passage à l’agrochimie et l’abandon de la pétrochimie, l’augmentation des résines biosourcées et l’internalisation de leur fabrication pour contrôler l’origine des matières premières renouvelables annuellement (huiles végétales de provenance européenne) et atteindre une performance supérieure…», énumère Vincent Lepais. La part de produits biosourcés est supérieure à 20% en 2023. Par ailleurs, «nos usines misent sur un recyclage et une réutilisation maximum. À titre d’exemple, les chiffons d’essuyage des machines sont collectées, nettoyées et réutilisées. Tout ressert ! »

Obbia a investi il y a deux ans dans un matériel de vieillissement artificiel. Cet investissement d’environ 50 k€ reproduit le vieillissement extérieur du bois en accéléré, en bombardant les échantillons de peinture et de lasure par des rayons UV (simulant le soleil) et des pulvérisations d’eau (simulant la pluie). Très utile pour la mise au point de ses produits ! «Les formules en cours de développement sont testées dans cet appareil. Cela permet d’avoir une idée rapide de la durabilité d’une finition d’un produit. Nous pouvons ainsi savoir plus vite si nous sommes sur la bonne voie, ou pas. Avant, nous faisions vieillir nos produits en extérieur, et cela pouvait prendre plusieurs années pour constater si le produit présentait des défauts », compare Matthieu Barrière.

Les garanties de pérennité s’allongent

Akzo Nobel parvient à des performances dans le temps «égales ou supérieures au PVC, avec un minimum d’entretien», et une garantie de pérennité pouvant aller jusqu’à 12 ans. Chose qui était impensable il y a une dizaine d’années. «Nos clients fabricants de menuiseries sont friands de garanties. Le marché est demandeur pour des garanties de plus en plus longues, détaille Cédric Meney. Ce qui induit une professionnalisation du process de la menuiserie et de la technique au niveau de nos clients.» Avec son réseau de 150 magasins intégrés Sikkens Solutions, disséminés en France, AkzoNobel peut aussi conseiller des produits pour rénover les menuiseries. «On peut retrouver dans nos magasins les codes couleurs utilisés en industrie, avec tout le nuancier Sikkens. Nous pouvons aussi conseiller le peintre professionnel, pour une mise en œuvre de qualité des produits, afin de prolonger la durée de vie de la fenêtre», commente-t-il. Sikkens entend poursuivre le développement de son réseau de distribution en France, visant les petits et moyens faiseurs. Les plus grands industriels, avec des tailles d’achat plus importantes, sont contactés directement. De son côté, Fibex propose des finitions garanties par les fabricants, entre quatre ans pour les saturateurs et dix ans pour les peintures. Sur les lasures, Blanchon s’engage sur des durées de six à huit ans, en fonction du support, de l’exposition et de la technique d’application utilisée. «Entre six et huit ans, c’est déjà un très bon résultat, obtenu après des tests réalisés par un laboratoire officiel et indépendant », confie Vincent Lepais. Obbia garantit dix ans sur les produits opaques, et cinq ans sur les produits plus translucides sur les lasures, « sous condition d’application du produit avec un cahier des charges défini avec les clients », précise Bernard Constant.