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Construction en feuillus : des atouts à valoriser

 

Largement présentes dans les forêts françaises, les essences feuillues ont, à l’instar des résineux, de nombreux atouts à faire valoir dans le domaine de la construction, avec plusieurs chantiers sortis de terre et différents projets de R&D en cours en France et en Europe pour valoriser tout leur potentiel.

Chêne, hêtre… International Timber, un des principaux fournisseurs de bois dur européen, insiste sur la ‘touche’ apportée par les feuillus du Vieux continent.

« Bien qu’il provienne de la même espèce d’arbre, le chêne européen a tendance à avoir une couleur plus foncée, plus brune et légèrement plus riche que le chêne américain », illustre International Timber. Les essences sont utilisées en structure, pour des projets de revêtements de sol, avec par exemple le parquet en chêne européen.

Le projet européen Hardwoods (feuillus), portant sur le développement de l’utilisation des feuillus dans la construction, consiste à intégrer davantage les essences feuillues à des modèles de production efficaces, adaptés aux attentes du marché et économiquement compétitives. « L’origine des lamelles constitutives est un facteur dont il serait pertinent de tenir compte pour la production de BLC, un approvisionnement ciblé permettant de surmonter les freins à l’obtention des propriétés mécaniques les plus élevées », relève la synthèse du projet.

Par ailleurs, « la production de poutres panachées, dont les propriétés sont comparables à celles de poutres homogènes, mériterait d’être considérée en écho aux attentes des scieurs qui souhaitent valoriser toutes les qualités d’avivés ». Du lamellé-collé très performant peut être produit à partir de chêne français, ajoute le FCBA.

Domaines d’excellence : l’intérieur et le second œuvre

Pour Nicolas Douzain-Didier (FNB), les domaines d’excellence du feuillu dans la construction résident dans « l’intérieur et le second œuvre. Prenez la rénovation de Notre-Dame, et les innovations de Lefebvre sur le poteau-poutre. En 2021, la consommation de parquets (principalement les feuillus, et à 98 % des chênes) progresse de 10,28% », souligne-t-il.

Manubois (Groupe Lefebvre) se positionne beaucoup pour l’utilisation verticale du hêtre, « du fait de sa résistance en compression, deux fois supérieure à celle des résineux », souligne Maxime Castel. Cet avantage permet de limiter les dimensions des poteaux soumis à forte charge. « Sur des marchés parisiens à 15 000 euros/m2 , c’est un argument qui résonne chez les promoteurs  ! », illustre-t-il. Le hêtre apporte aussi un gain esthétique, d’autant que sa bonne réaction au feu testée récemment permet une utilisation en structure apparente. Pour rendre attractive l’offre, « on suit au plus près les demandes des clients. Dans la démarche d’innovation avec le FCBA, on ne se refuse rien, on étudie toutes les pistes d’optimisation ! ».

« Du lamellé-collé très performant peut être produit à partir de chêne français. »

Des premières opérations de construction sont en cours. À Rouen, sur le programme ‘L’éveil de Flaubert’ de Linkcity, 80 poteaux de hêtre viennent soutenir 7 niveaux de plancher béton.
Pour l’opération ‘Wood’Up’ de REI Habitat, dans le 13e arrondissement de Paris, Manubois fabrique les poteaux qui vont soutenir 17 niveaux en bois. « On pense souvent au hêtre pour les structures importantes, mais nous faisons évoluer notre gamme pour proposer également des produits de plus faibles dimensions, qui ont toute leur place, même dans les maisons individuelles, par exemple pour des solives apparentes. »

Protection à l’eau et fixations

Parmi les sujets délicats, la protection du hêtre à l’eau, à toutes les phases–fabrication, transport, stockage et chantier– et la question des fixations.

« Le hêtre est plus dur à visser et clouer que les résineux. Nous travaillons avec les fabricants de quincaillerie pour trouver des outils et des consommables performants, décrypte Maxime Castel. Comme on ne peut pas réduire le coût de notre matière, on compense en apportant des services pour limiter les coûts associés au produit et simplifier son intégration, notamment lors du transport et de la mise en œuvre. »
Un regret, teinté d’espoir : « Je ne cache pas mon impatience à voir se concrétiser les nombreuses marques d’intérêts. Mais le bâtiment est un marché exigeant, avec une forte dimension sécuritaire. Nous devons encore faire nos preuves, et les projets d’aménagement s’étalent sur parfois cinq ans. Le hêtre fait son chemin et de plus en plus de projets sont à l’étude. La phase de massification approche ! »

Mieux valoriser le chêne : c’est l’esprit de l’initiative portée par Ducerf Groupe, avec d’autres acteurs bourguignons (scieries, prescripteurs, architectes, propriétaires).
L’idée consiste à valoriser du chêne secondaire, qui ne trouve des débouchés que dans des panneaux composites ou du bois composite, car jugé inesthétique par le marché.

« Nous voudrions réutiliser ce chêne secondaire pour des pans de murs en CLT ou des planchers. L’étude est bien avancée. Demain, avec la RE2020, les débouchés des feuillus vont être importants dans la construction. La demande va aller crescendo, affirme Édouard Ducerf. Chaque morceau de feuillu aura sa place dans ce défi constructif ! »

Caractérisation des essences pour une utilisation en structure

Quelques exemples de caractérisation d’essences de feuillus.
Le hêtre, essence dense et dure, est couramment utilisée en menuiserie : meubles, menuiseries pare-flamme et coupefeu.
Le chêne, par sa bonne résistance mécanique, a été utilisé dans le temps pour les poteaux-poutres des maisons à colombages. Il reste prisé aujourd’hui pour de nombreux usages  : placage ou ébénisterie, menuiserie pour la fabrication de parquets, lambris et meubles.
Le châtaignier est apprécié en charpente et menuiserie intérieure : parquet, escalier, mobilier.

Hubert Vialatte

Réalisé avec le soutien financier du MAAF
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