INDUSTRIE ● NÉGOCE ● CONSTRUCTION

Construction

RE2020, le bois a une belle carte à jouer

Officiellement entrée en vigueur le 1er janvier, la RE2020 représente un tournant majeur dans la construction des bâtiments. Si cette nouvelle réglementation plus « verte » peut être profitable au bois, elle impose également de nouvelles obligations et exigences aux professionnels de la filière. L’occasion de faire le point avec Cécile Richard, secrétaire générale de l’UMB-FFB.

Comment l’idée d’une réglementation plus environnementale est-elle née ?

L’idée date d’il y a assez longtemps, avec la mise au point de la Stratégie nationale bas carbone. À l’origine, cette stratégie visait à diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre (GES) en France d’ici 2050. Après une révision en 2017, elle prévoit désormais d’atteindre la neutralité carbone sur le territoire d’ici 2050, tout comme la nouvelle RE2020 pour le secteur du bâtiment.

Pourquoi a-t-elle mis si longtemps à entrer en vigueur ? Quels ont été les points de blocage ?

Introduire de nouveaux objectifs dans une réglementation de la construction ne peut pas se faire rapidement. Il y dix ans, la mise en place de la RT2010 s’est finalement faite en 2012 ! Concernant la nouvelle RE, il y a tout d’abord eu une phase de test avec l’introduction du label E+C-. Puis des phases de consultations, un passage devant le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique, suivi de la mise en place de la législation comprenant de nouveaux arrêtés. Toutes ces étapes sont nécessaires et prennent du temps, d’autant qu’en plus de la thermique, cette nouvelle réglementation comporte un volet environnemental inédit.

Pourquoi avoir prévu une entrée en vigueur différée selon les types de bâtiments ?

Comme pour la précédente réglementation, la mise en place d’une entrée en vigueur différée permet aux différents acteurs de s’adapter, de se mettre en route et de procéder aux ajustements nécessaires. Sachant que ces ajustements sont plus compliqués pour les bâtiments tertiaires que pour les maisons individuelles (la réglementation de la construction neuve des bâtiments tertiaires est elle aussi plus compliquée), ceux-ci bénéficient d’un délai supplémentaire avant de basculer vers la RE2020.

Quels sont les nouvelles obligations et les objectifs instaurés par la RE2020, et à qui s’appliquent-ils ?

Il y en a beaucoup ! À l’époque, la RT2012 ne comportait que deux indicateurs obligatoires : le Bbio et la Cep. Ces deux indicateurs apparaissent dans la RE2020 avec des exigences renforcées. En outre, la nouvelle réglementation impose quatre nouveaux indicateurs liés à l’énergie, au carbone et au confort d’été avec, par exemple, l’impact carbone des consommations énergétiques (Icénergie) ; la consommation en énergie primaire non renouvelable (Cepnr) ou la durée et l’intensité de l’inconfort d’été (Degrés Heures). Ces obligations s’appliquent bien sûr aux maîtres d’œuvre et d’ouvrage, aux acteurs de la construction en général mais aussi et surtout aux bureaux d’études en charge des différents calculs.

Est-ce une opportunité pour la filière bois ?

Bien sûr. Le bois possède un certain nombre d’atouts intrinsèques à sa « nature » en termes de confort thermique, de réduction des GES, de recyclage, de consommation d’eau… C’est donc un produit que l’on va naturellement plus utiliser avec la RE2020 que ce soit en structure, pour l’enveloppe des bâtiments, ou pour les aménagements intérieurs.

Notre filière est-elle prête à répondre à une demande en bois qui s’annonce de plus en plus importante ?

Oui car cette nouvelle réglementation prévoit deux choses importantes : la progressivité et des clauses de revoyure. Tous les trois ans jusqu’en 2031, elle intègre des échelons qui représentent des possibilités d’ajustements pour que les filières quelles qu’elles soient puissent s’adapter. Les choses ne se feront pas du jour au lendemain et il n’y aura pas de révolution sur les systèmes constructifs en trois ans. L’objectif reste d’atteindre la neutralité carbone en 2050 avec un démarrage progressif pour tous les acteurs. Les différents paliers, qui interviendront en 2025, 2028 et 2030 introduiront notamment des exigences environnementales renforcées concernant les émissions de GES.

Comment imaginez-vous le paysage de la construction française d’ici une vingtaine d’années ?

À l’avenir, il y aura davantage de matériaux biosourcés, mais toujours de la mixité. Le bâtiment ne peut pas vivre sans mixité. L’objectif n’est pas d’aller vers la mono- construction mais bel est bien de progresser vers la limitation des GES et la réduction des consommations d’énergie d’origine fossile. Le bois est un matériau performant et aujourd’hui, la RE2020 permet au bois de prendre un peu plus sa place sans que les autres matériaux ne s’en aillent. La filière bois est prête. En structure, la construction d’immeubles jusqu’en R + 8 se réalise par des techniques courantes, ce qui permettra à de nombreux charpentiers (10 000 entreprises en France) de se positionner sur ce marché. Les menuisiers également ont d’ores et déjà toutes les techniques nécessaires pour fabriquer les menuiseries extérieures et intérieures. Les bureaux d’études bois sont de plus en plus nombreux, et de plus en plus de bureaux d’études généralistes intègrent un département spécialisé en construction bois. La filière pourra donc répondre assez vite aux exigences de cette nouvelle RE.

Propos recueillis par Adèle Cazier

Une entrée en vigueur graduelle

  • La RE2020 est enfin entrée en vigueur au 1er janvier 2022 en remplacement de la RT2021 pour tous les logements dont les permis de construire ont été déposés après cette date.
  • Les bureaux et bâtiments d’enseignement avec un permis de construire seront pour leur part concernés à partir du 1er juillet 2022.
  • Elle s’appliquera enfin à compter du 1er janvier 2023 pour tous les bâtiments ne nécessitant pas de demande de permis de construire ni de déclaration préalable ; ainsi que pour les constructions de bâtiments inférieures à 50 m² et les extensions inférieures à 150 m.