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Le retour en force des bois techniques

Proposer davantage de bois techniques pour répondre à une demande grandissante en produits collés, séchés ou aboutés, tel est l’objectif des professionnels de la filière qui s’équipent en conséquence et élargissent leurs gammes pour faire valoir le savoir-faire français en matière de bois d’ingénierie.

Lannée 2021 marque, selon Nicolas Douzain-Didier, délégué général de la Fédération Nationale du Bois, « le retour en force des produits bois techniques fabriqués en France ». Dans la consommation globale de CLT (100 000 m3 environ, les feuillus étant minoritaires), 60% sont fabriqués en France.
Pour les lamellés-collés, la part produite en France est de 70% du total consommé (de l’ordre de 360 000 m3 ). Ces marchés, « en forte croissance, vont nécessiter un développement des capacités très importantes », ajoute-t-il.

« Il y a une demande pour des bois français et locaux, lamellés-collés et contrecollés, sur des chantiers spécifiques », analyse Jérôme Monnet, directeur de production de Bois et Sciages de Sougy. La PME a par exemple fourni pour Eiffage les montants d’ossature pour la construction de murs en paille, dans le cadre de la construction d’un lycée à Clermont-Ferrand. Certifiés Bois de France, ces types de bois techniques assurent aussi la fourniture de poteaux poutres, toujours pour Eiffage, sur le chantier du Village des jeux Olympiques de Paris.

Performances acoustique et thermique

Les bois techniques apportent des niveaux de performance acoustique et thermique intéressants. « Nous réalisons des produits plus techniques et transformés pour un certain nombre de clients, en allant plus loin dans la fabrication des carrelets, en mixant et profilant les essences », détaille Édouard Ducerf.

Parmi les produits les plus aboutis, des carrelets composites avec deux parements de feuillus, ou des carrelets profilés directement avec les profils des clients. Avantage : «Cela leur enlève une opération. Ils peuvent les utiliser directement dans la cadreuse pour la fabrication des portes et fenêtres, et cela baisse le risque de non-conformité. » Les bois techniques, désormais démocratisés, apportent « une productivité aux clients », constate Pascal Gaudelas (Gaudelas SAS), distributeur de bois techniques.

Gaudelas SAS commercialise des carrelets lamellés-collés en chêne pour les fabricants de portes et fenêtres. « La demande est assez forte, sur les lamellés-collés, aboutés et Duo-Trio pour les bois de construction, estime-t-il. Beaucoup de ces bois techniques étaient importés de Russie, d’Ukraine, des pays baltes, de Chine… Il y a moins de produits d’import actuellement. » Les bois techniques commercialisés par Gaudelas SAS sont certifiés collage par le FCBA. « Les process et les machines se sont améliorés, sur la précision du rabotage et des aboutages. Nous arrivons désormais à des produits de très bonne qualité », complète-t-il.

«  Les process et les machines se sont améliorés, sur la précision du rabotage et des aboutages. Nous arrivons désormais à des produits de très bonne qualité.  »

Projet d’usine de collage pour Manubois

Pour Maxime Castel, chargé de projet lamellé-collé de hêtre chez Manubois (Groupe Lefebvre), le regain d’activité a essentiellement trois raisons. Tout d’abord, l’effet Covid, qui a désorganisé l’ensemble du marché du bois. « De plus, le prix des grumes de hêtre a fortement augmenté dans les pays de l’Est, alors que les coupes sont en baisse, ce qui provoque des difficultés d’approvisionnement et une hausse des prix du bois chez nos concurrents étrangers. » Ensuite, un engouement pour les matériaux naturels, « avec un retour du mobilier en hêtre massif ».

Enfin, la croissance de la construction bois de grande hauteur, et une demande accrue en bois français, qui amènent à un « développement du lamellé-collé de hêtre structurel ». Pour faire face à cet afflux, Manubois a remis en route une deuxième ligne temporaire d’aboutage (opération commune à tous les bois techniques) mais prépare également la construction d’une nouvelle usine de collage, sur son site des Grandes-Ventes (Seine Maritime), avec une mise en route prévue pour 2024.

En parallèle, l’entreprise normande continue d’accroître son offre de produits destinés à la construction. Seul industriel à fabriquer du lamellé-collé de hêtre à planches panneautées, Manubois travaille en lien étroit avec le FCBA pour faire évoluer ses méthodes d’aboutage, de collage et de tri des bois, ces trois facteurs influant grandement sur la productivité, le coût et la résistance.
« Il s’agit alors de trouver les meilleures combinaisons pour transformer des petits éléments de base (40 x 60 mm) en produits de structure compétitifs et qualitatifs », ajoute Maxime Castel. « L’intérêt grandit autour du hêtre, et nous avons une forte volonté d’investir. Pour achever de dimensionner notre nouvel outil et juger de la pérennité des marchés, nous continuons à rencontrer les acteurs qui se tournent vers nous aujourd’hui. Comme le soulignent des récents rapports ministériels, le contrat d’approvisionnement est un élément clé pour le développement de la filière bois. Nous travaillons en ce sens, car nous avons besoin de sécurité et de visibilité », conclut-il.

Hubert Vialatte