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La demande en bois certifié ne fait que croître depuis quelques années

Dans ce numéro 202, BOISmag poursuit sa série d’interviews sur l’avenir de la filière forêt-bois. Vous découvrirez dans les pages suivantes un nouvel entretien avec Aurélien Sautière, directeur exécutif de FSC, consacré à l’éco-certification.

Aurélien Sautière
Qu’est-ce que la certification FSC et quels sont ses objectifs ?
Aurélien Sautière : La certification FSC, ou Forest Steward-ship Council, est une ONG au sens littéral (Organisation non gouvernementale) gouvernée par ses adhérents. Elle a été créée en 1994, deux ans après la conférence de Rio sur le développement durable, suite à la déception de certains acteurs constatant que la forêt n’ait pas été assez prise en compte. Elle est gouvernée par trois Chambres (Environnementale, Sociale et Économique) qui ont toutes le même pouvoir de décision. À l’image des trois Chambres qui la composent, cette certification a vu le jour pour donner une valeur environnementale, sociale et économique à la forêt en incluant une notion de valeur ajoutée, et en définissant des normes de gestion forestière et de traçabilité.
Depuis quand existe-t-elle sur le territoire français et comment évolue-t-elle ?
AS : La création de FSC France a été plus tardive puisqu’elle remonte à l’année 2007, bien après nos voisins anglais ou allemands. Concernant la gouvernance, FSC France fonctionne sur le même modèle que FSC International avec les trois mêmes Chambres. Au début du mois de janvier 2022, l’association FSC France comptait 67  adhérents, 877  certificats Chaîne de Contrôle (pour les industriels, négociants et imprimeurs) , 50  licences promotionnelles (pour les marques et distributeurs), et nous devrions franchir la barre des 100 000 hectares de forêts certifiés dans le courant de 2022, sachant que nous connaissons un fort développement de notre certification depuis trois ans. FSC est un outil utile à la filière française pour répondre à la demande des clients qui sont aujourd’hui conscients des bénéfices apportés par des bois certifiés.
Plus de 100000 hectares de forêts devraient être certifiés en 2022.
Quels sont justement les bénéfices et les garanties apportés par la certification FSC aux propriétaires forestiers, aux acheteurs et aux utilisateurs finaux ?
AS : Pour le territoire français, FSC propose un référentiel de gestion forestière adapté aux spécificités de la forêt française (les petites forêts notamment) sur la base du référentiel international utilisé partout dans le monde. Pour le gestionnaire ou le propriétaire forestier par exemple, il se compose d’un ensemble de principes indicateurs qu’il doit appliquer au moment de sa certification. Parmi ces principes, on peut citer la Conversion, qui limite ou interdit la transformation de forêts naturelles en forêts de plantations ou cultivées. Ce qui a notamment causé des débats agités dans le Morvan ou le pourtour du Massif central. Autre indicateur à respecter, les Hautes Valeurs de conservation qui incluent des notions très diverses telles que la protection des zones cultuelles en Afrique ou en Amérique latine, ou la préservation de la biodiversité. Sur notre territoire, cette préservation interdit par exemple au gestionnaire forestier de perturber les cycles biologiques dans les zones identifiées comme remarquables. On peut enfin citer la politique d’association : une entreprise certifiée FSC peut avoir une forêt FSC et une autre non certifiée. Si elle enfreint les règles du FSC, y compris dans une forêt non FSC, elle perd sa certification ! Cela permet d’évi[1]ter le greenwashing, surtout sur les produits d’importation.
Que pensez-vous de l’entrée en vigueur du FLEGT et du RBUE ? Est-ce un bon complément à l’éco-certification ? Cela empêche-t-il vraiment le commerce illégal du bois ?
AS : La mise en place du RBUE représente évidemment une avancée, même si elle a été élaborée en dehors des certifications qui existaient déjà. Ce règlement n’arrêtera pas totalement les trafics divers et variés, mais il propose tout de même des règles essentielles permettant de réduire ces phénomènes. Aujourd’hui, il faut que l’on aille plus loin. C’est d’ailleurs ce qu’est en train de faire l’Union européenne avec une nouvelle réglementation contre la déforestation importée qui est en cours de rédaction. Outre le bois, elle inclura notamment de nouvelles commodités comme le soja ou l’huile de palme, et s’intéressera aussi à de nouveaux indicateurs déjà présents dans le FSC tels que la conversion des forêts.
Avec la crise sanitaire et la hausse du prix de certains produits bois, ne craignez-vous pas que l’éco-certification recule sachant que les bois éco-certifiés coûtent plus cher ?
AS : Plus le bois est cher, moins l’éco-certification l’est proportionnellement parlant. De plus, la demande en bois certifié ne fait que croître depuis plusieurs années, avec des consommateurs qui demandent des gages de qualité environnementale et de traçabilité. Les professionnels de la filière n’ont donc pas d’autre choix que de répondre aux demandes du marché. Il y a quelques années, c’était surtout l’Europe du Nord qui demandait des garanties sur les aspects sociaux et environnementaux des bois. Aujourd’hui, toute l’Europe s’y met, y compris l’Espagne et l’Italie. Et demain, que va faire l’Asie ? Oui, la certification représente un investissement, mais aussi une valeur ajoutée. En France, où nous nous sommes implantés tardivement, certaines entreprises se posent encore la question : pourquoi prendre cette certification si l’on n’a pas la demande sur le marché domestique ? Dans un marché mondialisé, concurrentiel et très éclaté, il faut avoir une vision au-delà des frontières. On a bien sûr besoin de travailler sur le marché intérieur, mais aussi avec l’UE et d’autres pays, sachant que cette logique d’exportation passe par des gages environnementaux et sociaux apportés par l’éco-certification.
Pourquoi le FSC n’est-il pas plus présent sur le territoire français ?
AS : Le FSC a été créé tardivement en France du fait de la forte présence de la certification PEFC, portée par la majorité des acteurs forestiers depuis 1999. Après les accords de Rio, ces derniers ont préféré créer un autre label que le FSC, mis en place quelques années auparavant. Aujourd’hui, le label le plus présent dans les forêts françaises c’est PEFC, mais FSC se développe rapidement.
Lors d’une récente interview, Georges-Henri Florentin, président de France Bois 2024, m’a parlé de France Bois Traçabilité qui associerait FSC, PEFC et Bois de France. Pouvez-vous m’en dire plus sur ce sujet ? Un système unique de certification serait-il envisageable ?
AS : Une fusion entre FSC et PEFC n’est pas envisageable pour des raisons historiques et parce que nos référentiels sont trop différents. Cependant, il est vrai que, dans le cadre des JO de Paris 2024, l’institut technologique FCBA a porté un nouveau projet baptisé France Bois Traçabilité qui permettra, au moment de la construction des ouvrages olympiques, d’utiliser des produits FSC, PEFC ou Bois de France. Cet outil a pour but de faciliter les choses aux constructeurs pour qu’ils puissent mettre en place plus rapidement leur certification projet.
Comment imaginez-vous l’avenir du FSC France au cours des prochaines années ?
AS : Actuellement, FSC connaît une très forte croissance en France du fait des besoins des consommateurs. Après les secteurs des papiers et des panneaux, celui de la construction est en train de se rendre compte de l’intérêt de notre certification. Nous sommes actuellement contactés par beaucoup d’entreprises de l’ameublement et de la construction qui s’intéressent de plus en plus à tous les aspects d’un produit bois. Sans oublier l’entrée en vigueur de La RE2020 qui fait bouger les choses dans le bon sens.
Quels seront vos prochaines actions et vos prochains défis ?
AS : En 2022, notre principale action portera sur la révision de notre référentiel de gestion forestière. Concernant notre prochain défi, il consistera à réussir à faire comprendre à l’industrie du bois d’œuvre française l’intérêt de notre certification pour qu’elle ne soit pas dépassée par nos voisins italiens, allemands ou suédois, et qu’elle ne soit pas en retard sur la concurrence…
Avez-vous un message à faire passer aux pros de la filière ?
AS : La valeur ajoutée se fait aussi sur des réponses aux enjeux environnementaux et sociétaux. FSC est un outil qui peut contribuer à répondre aux demandes des clients et à gagner de nouveaux marchés. Nous sommes à la disposition des entreprises de la filière pour cela.

Propos recueillis par Adèle Cazier