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Commerce

La filière bois française suspendue au conflit russo-ukrainien

Depuis l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes le 24 février dernier, les sanctions de la communauté internationale ne se sont pas fait attendre. Elles entraînent de lourdes conséquences sur les échanges commerciaux en général et sur les produits forestiers en particulier en impactant la filière forêt-bois française. Décryptage.

Depuis plusieurs semaines, la guerre fait rage aux portes de l’Europe. Après des mois de pandémie qui ont lourdement impacté notre économie et nos approvisionnements en produits bois, ce nouveau conflit pourrait encore un peu plus peser sur la filière forêt bois française. Si, pour l’instant, il n’y a pas d’embargo sur le commerce ou l’importation de bois en provenance de Russie (voir le témoignage du LCB), les sanctions commerciales à l’encontre du géant eurasien compliquent considérablement les transactions en cours et à venir. Selon les dernières statistiques disponibles (Eurostat, Russian Customs), la Russie n’est pas le principal partenaire commercial de la France, mais se hisse tout de même dans le top cinq de nos fournisseurs de bois résineux : « En décembre 2021, la France a importé un peu plus de 20 000 m3 de sciages résineux en provenance de Russie, contre environ 80 000 m3 venant d’Allemagne ou 50 000m3 de Finlande, précise Alessandra Negri, responsable marché et RSE pour Le Commerce du Bois, sachant que sur l’année, environ 300 000 m3 de sciages résineux russes arrivent en France, ce
qui représente environ 3% de la consommation totale de bois résineux, de l’ordre de 9 millions de m3 .» Si les bois russes ne représentent qu’une faible part de notre consommation globale de résineux, leur part grimpe à 20-25% du marché national concernant la qualité « bois du Nord » (sapin rouge, sapin blanc, mélèze).

Les Bois du Nord en première ligne

« Les bois du Nord sont très recherchés pour leurs qualités intrinsèques (croissance lente, durabilité, esthétisme) et principalement utilisés pour la structure, le parement, le bardage et le platelage, poursuit Alessandra Negri. Pour pallier de futures pénuries, les industriels, raboteurs et importateurs renforcent leurs approvisionnements en provenance des pays scandinaves et travaillent sur des alternatives pour subvenir aux besoins du marché en mélèze, pour continuer à produire, et pour sécuriser leurs approvisionnements. » Depuis quelques mois, les principaux industriels français sont parvenus à reconstituer leurs stocks de mélèze après une longue période de disette durant la pandémie ; et plusieurs fournisseurs scandinaves et européens ont investi pour renforcer leurs capacités de production. Cependant, de nouvelles hausses de prix paraissent inévitables pour le mélèze, « mais aussi pour l’épicéa et le pin dans des proportions plus modérées », et de nombreuses incertitudes subsistent : comment affréter les bois en provenance de Russie alors que les principaux armateurs cessent de desservir les ports russes ? Comment faire passer de nouvelles hausses de prix sur le marché français ? Doit-on s’attendre à une pénurie de mélèze malgré des stocks plutôt fournis ? Des tensions sur les approvisionnements en bois scandinaves ne sont elles pas à craindre si tous les marchés se tournent vers ces pays pour pallier le manque de bois russes ? Faut-il encore commercer avec la Russie ? Autant d’interrogations qui restent en suspens à l’heure où nous imprimons, mais qui auront forcément des répercussions sur l’organisation de notre filière au cours des mois à venir.

Adèle Cazier

Les palettes aussi concernées

Selon l’EPAL, « la guerre en Ukraine et les sanctions imposées par l’UE à la Russie et à la Biélorussie auront un impact durable sur le marché européen des palettes ». Depuis le début du conflit, la production de palettes Europe EPAL est actuellement interrompue dans bon nombre d’entreprises ukrainiennes et le pays n’exporte actuellement quasiment plus de bois destiné à la fabrication de palettes et d’emballage vers l’Europe. Selon Robert Holliger, président de l’EPAL : « La guerre et les sanctions vont peser sur la production de palettes Europe EPAL dans les pays de l’UE. Dans cette situation, la réutilisation répétée durant plusieurs années de palettes échangeables permettra d’éviter ou de réduire les difficultés d’approvisionnements en palettes », sans pour autant éviter des tensions dans cette branche de la filière. À cet effet, Dirk Hoferer, vice-président de l’EPAL, recommande à tous les utilisateurs « de planifier dès maintenant avec leurs fournisseurs leurs besoins en palettes pour toute l’année 2022, et de ne pas tarder à passer leurs commandes ».