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La construction bois et biosourcée fait son Forum à Lille

Du 12 au 14 avril 2023, les spécialistes français et internationaux de la construction bois, biosourcée et géosourcée se retrouveront au Grand Palais de Lille pour un congrès fidèle à sa formule, plus quelques évolutions. L’Europe est à l’honneur, mais aussi la Guyane, Notre-Dame, l’innovation, la frugalité, la paille… Découverte.

Après Beaune, Besançon, Nancy- Epinal, Lyon, Dijon, Paris, c’est la première fois que le Forum monte dans les Hauts-de-France. Terre de conquête de la construction bois si l’on en croit les enquêtes nationales. La proximité de la Wallonie apporte une familiarité avec l’industrialisation poussée, mais aussi avec le biosourcé. Par ailleurs, la région se démarque par des initiatives locales et sociales, et par l’emploi notamment du peuplier en construction. Comme d’habitude, et avec l’appui conjoint de Fibois Hautsde- France et de CD2E pour la filière biosourcée, le Forum tente de rendre cette spécificité, fait une large place à la région, y compris dans l’espace convivial, et bien sûr à la métropole de Lille. Il profite aussi de l’opportunité de sa tenue près de la frontière, et pas loin de Bruxelles, pour faire une large place à la construction européenne biosourcée.

Ohé, Bruxelles !
Avant même que ne sorte la question actuelle du basculement de la construction neuve vers l’énergie positive, le congrès s’est donné l’ambition de révéler à Bruxelles cette Europe de la construction biosourcée qu’elle peine encore à appréhender. Une Europe des matériaux renouvelables et du réemploi, mais aussi de la préfabrication, de la basse émissivité et aussi de la frugalité. Bref, Une Europe de la construction qui prend acte de la terrible catastrophe climatique en cours, et qui tente de réduire drastiquement les émissions de GES de la principale source humaine, le Bâtiment. Cette Europe du bâtiment peu émissif sans greenwashing existe certainement dans les têtes, et de plus en plus dans les actes. En novembre 2021, à l’occasion d’une conférence sur le Bâtiment, la commission a lancé l’idée d’une étape intermédiaire incontournable sur la route de la neutralisation des émissions de tout le parc immobilier européen. Il conviendrait de neutraliser la construction neuve. Quelques mois plus tard, une réunion des ministres de l’Énergie a avalisé cette idée en la détournant un peu. Désormais, il est question de bâtiments à énergie positive, et ce dès 2025 pour certaines
catégories de construction. Il est vrai que cela reprend avec retard l’objectif du Plan Climat européen, qui souhaitait des constructions neuves à énergie positive dès 2020.

Le lycée de Gergovie, E4C2 et bois-paille, fait date (architecte : CRR). Crédit photo : Joël Damase

Juguler les émissions
Si l’Europe impose l’énergie positive en neuf sans tenir compte des émissions, que deviendra la RE2020 française dans ses étapes 2027 et 2031 ? Alors que la France fait actuellement figure de modèle européen avec à la fois sa RE2020 et le calcul E+C- qui n’a rien perdu de son actualité, l’évolution réglementaire pousse à une révolution constructive que les décisions européennes risquent d’endiguer. Il suffit d’ajouter à cela que la construction bois est mal vue « car il faut couper des arbres »,– tandis que la filière bois énergie associée à la construction bois est déjà sur la sellette –, pour comprendre que l’absence de groupes de pression à l’échelle de l’Europe peut mener à une destruction de l’option biosourcée par laquelle l’Europe, voire la France, dispose actuellement d’un leadership mondial.

L’avance française
Cela commence par la construction bois, où l’on pensait que l’Amérique aurait vite fait de prendre de l’avance, compte tenu de l’hégémonie de la construction charpentée en individuel. Jusqu’à maintenant, la situation est indécise sur le plan qualitatif et quantitatif. Peut-être que les prix très bas du bois d’oeuvre vont propulser la construction multi-étages outre-Atlantique, mais on observera le même phénomène en Europe. Quant au recours aux matériaux biosourcés, au géosourcé, au réemploi voire au développement de solutions de montage réversibles, le Forum Bois Construction révèle l’actualité extraordinaire des acteurs européens, et devient de fait le leader mondial de cette filière par son contenu et sa fréquentation. Pour être juste, l’avance européenne s’impose justement par sa petite partie américaine, la Guyane, modèle de gestion durable de la forêt amazonienne par l’ONF, de construction en feuillus locaux et de qualité architecturale biosourcée, à l’instar de Franck Brasselet de Jag Architecture, cheville ouvrière inlassable de la présence massive de la Guyane au Forum de Lille.

Où est l’excellence ?
Dans la continuité de l’édition de Nancy en 2022, la construction bois n’est pas tant marquée par de nouvelles prouesses de hauteurs contrecarrées par la remise en cause actuelle de la réglementation incendie, et surtout des panneaux CLT. La tour en bois comme objet d’innovation a vécu, elle est un peu morte de sa belle mort avec l’association AdivBois, qui a pris fin il y a quelques mois. Les structures hybrides ? Le Forum les avait mises en avant à Paris à cause de l’environnement acquis au béton, et prolongé son intérêt en 2022 avec un atelier sur les planchers mixtes. Difficile de dire que l’hybride a pris le pas sur le marché français, c’est la niche de la niche CLT, qui est la niche de la construction bois, elle-même niche de la construction. Jusqu’à preuve du contraire. Ce qui crève l’écran, c’est Indéniablement le lycée de Gergovie à Clermont-Ferrand, par l’agence CRR avec Eiffage-Savare. Le plus grand chantier mondial Douglaspaille, avec la performance E4C2 (obtenue seulement dans le scolaire par le groupe Frida Kahlo de Bruges au nord de Bordeaux). Il ne s’agit pas d’ovnis, le bois-paille est actuellement en pleine effervescence, à la fois en son sein avec une foule d’innovations, et sur le marché où construire en bois-paille, voire en paille porteuse, est tendance.

 

Le TUM à Munich présente une casquette phénoménale en struture LVL de hêtre (architecte : Dietrich Untertrierfaller) – Crédit photo : Aldo Amoretti

La paille doit beaucoup au bois
En honorant l’ingénieur bois Olivier Gaujard, et en programmant un atelier dédié à la paille hors-norme, le Forum attire l’attention sur la longue marche que ce mouvement a accompli depuis la publication des Règles professionnelles il y a dix ans. Essai Lepir 2 pour du R+2 en ERP, nouvel essai R+2 en paille enduite, Atex R+3 pour la résidence Bertelotte, nouvelle Atex pour le collège 500 de Nancy par Mu Architecture… Les PV se suivent et la paille devient un matériau d’isolation d’autant plus noble qu’il agit également en protection d’été. Pour les architectes, il n’est même plus nécessaire de calepiner à la botte, la filière regorge d’ingéniosité pour répondre. Faire des stages de formation pro-paille n’est plus une exception chez les architectes, et cette formation est même intégrée dans certaines écoles d’architecture. La France est le leader européen et mondial de la construction boispaille, et la marge de progression est immense. Elle devient parallèlement un grand marché de la fibre de bois, avec des implantations qui ne cessent de doubler leurs capacités de production. Le chanvre, la ouate et toutes sortes d’autres matières biosourcées et recyclables suivent. Et voici même qu’apparaissent des composants complémentaires adaptés aux biosourcés, comme la nouvelle plaque Defentex de Siniat qui se distingue par un Sd faible malgré sa fonction de contreventement. Si l’on ajoute le développement de la brique de terre compressée et de l’argile pour les parois intérieures, tous les ingrédients sont là pour faire basculer la construction dans une ère nouvelle.

Innover vite
Malheureusement, la dégradation climatique s’accélère et l’édition 2023 du Forum se trouve confrontée à la présentation de projets imaginés au moment où personne de se souciait de l’énergie. Le programme conçu comme remise à jour annuelle des acteurs de la construction biosourcée est débordé. C’est peut-être une bonne raison pour le lancement de la formule du pôle innovation : 20 innovations présentées sur deux jours dans l’espace convivial au moment où celui-ci est ouvert au grand public.

 

*Photo 1 : Les installations sportives à Vanves sont une prouesse de l’entreprise CBS-Lifteam (architecte : Exploraton Architecture). Crédit photo : Reiulf Ramstad

Jonas Tophoven

 

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