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La France offre un beau potentiel de développement pour les bois d’ingénierie

Clément Quineau, responsable des affaires techniques à l’UICB

La France offre un beau potentiel de développement pour les bois d’ingénierie

 

Dans le secteur de la construction, les bois techniques sont très utilisés, notamment pour les bois aboutés pour réaliser de très grandes portées.

 

Quand les premiers bois techniques ont-ils vu le jour ?

Les bois techniques sont apparus progressivement depuis la fin du XIXe siècle avec le développement du lamellé-collé. Dans les années 1950, on note l’apparition du CLT qui sera remis au goût du jour au début des années 2000. Enfin, les poutres en I et le LVL sont les derniers bois techniques à arriver sur le marché au tournant des années 1970.

Quelle place occupent-ils aujourd’hui sur le marché de la construction bois ? Pensez-vous que ces produits ont vocation à se développer ?

Aujourd’hui, les bois techniques sont omniprésents dans le secteur de la construction à l’image des bois aboutés qui permettent d’obtenir de très grandes portées. Ces produits d’ingénierie ont bien sûr vocation à se développer dans les prochaines années sachant, par exemple, que de plus en plus de charpentiers utilisent des bois aboutés livrés en barres de 12 mètres pour réaliser des opérations en ossature bois.

On trouve de nombreuses unités de production de bois techniques de taille importante au nord et à l’est de l’Europe. Pensez-vous que la France sera en mesure de rattraper son «retard» vis-à-vis de ses voisins européens ?

Il existe déjà certaines unités industrielles en France comme Piveteaubois ou Monnet-Sève mais il est vrai qu’en terme de capacité de production, nous sommes encore loin de l’Allemagne ou de l’Autriche. Pour augmenter notre production, il y a un effort à faire sur l’industrialisation de la première transformation. Il faut aussi continuer à développer l’outil de fabrication français de lamellé-collé et de CLT. Et pourquoi pas, créer des unités de production de LVL. Même s’il y a encore du travail, la France offre un beau potentiel de développement pour les bois d’ingénierie. D’ailleurs, plusieurs AMI et appels à projets sont actuellement en cours dans cette optique, comme par exemple l’appel à projets Systèmes constructifs bois lancé le 16 juillet dernier afin d’aider financièrement les acteurs souhaitant investir.

Quels sont les principaux points forts des bois techniques ?

Les bois d’ingénierie sont réputés pour leur stabilité, leur bonne résistance mécanique et bénéficient également d’un séchage optimal. De plus, certains bois techniques comme le CLT présentent des défauts atténués (nœuds, fentes…), ce qui permet de mieux tirer profit des qualités du bois. Concernant le LVL, on peut aussi souligner l’optimisation de la matière avec des grumes exploitées quasiment intégralement.

Comment expliquez-vous le récent engouement autour du CLT ? Combien de part de marché peut-on espérer atteindre avec ce procédé constructif ?

Le CLT est depuis quelques années un marché qui se développe fortement du fait de ses performances. Il peut être utilisé dans des projets de grande hauteur comme sur des opérations moins élevées pour assurer des reprises de poids importantes. Aujourd’hui, il bénéficie d’un effet de mode et ses performances séduisent et rassurent les promoteurs, ce qui lui permet d’atteindre environ 15% de parts de marché sur les logements collectifs, selon la dernière Enquête nationale de la construction bois. Dans les années à venir, on peut espérer atteindre 20% voire 30% de part de marché dans des opérations qui joueront certainement la carte de la mixité des matériaux et des techniques. On aura moins recours à des opérations 100% CLT mais plus à un mix CLT/ossature bois ou CLT/ béton pour employer le bon matériau au bon endroit.

Pour augmenter notre production il y a un travail à faire sur l’industrialisation de la première transformation.

Les bois d’ingénierie sont aujourd’hui employés pour des réalisations emblématiques à l’image de la structure du Grand Palais Éphémère.

 

Que pensez-vous de l’entrée en vigueur de la RE 2020 d’ici quelques mois ? Les fabricants français de CLT seront-ils capables de répondre à une demande qui s’annonce de plus en plus importante ?

La RE2020 est une bonne chose pour la filière bois. L’UICB a fortement milité pour obtenir l’ACV dynamique qui a finalement été adoptée. Nous sommes donc satisfaits de cette arrivée. Satisfaits également de la progressivité instaurée par la future réglementation qui permettra aux entreprises de la filière d’augmenter pas à pas leur capacité de production pour répondre à la demande. Sachant que les choses bougent déjà avec les appels à projets et d’autres actions entreprises par les professionnels du secteur, à l’image de la nouvelle ligne de CLT récemment mise en place par l’entreprise Chauvin.

Comment voyez-vous l’avenir des bois d’ingénierie ?

Globalement, la production des bois techniques français et européens va s’accélérer du fait d’une augmentation de la demande de la part du consommateur. Des charpentiers traditionnels vont eux aussi se tourner vers le LVL ou d’autres produits permettant de réaliser de grandes portées à sections égales. Tout cela s’inscrira bien sûr dans une augmentation plus générale de la part de la construction bois au sens large.

Quelles seront les prochaines pistes de recherche pour encore améliorer les performances des bois techniques ?

Parmi les innovations à venir, on peut parier sur le développement de colles biosourcées pour l’industrie du bois en vue de proposer des produits techniques plus écologiques. Des programmes sont actuellement en cours et cela devrait arriver d’ici peu. Dans un autre registre, l’utilisation de feuillus et d’autres essences françaises va être amenée à se développer. Il existe déjà du CLT en hêtre chez Manubois ou en chêne chez Simonin. Et il est certain que les produits en chêne ou en châtaignier, qui sont deux essences très présentes dans les forêts françaises, auront vocation à se développer afin d’obtenir une offre de produits toujours plus diversifiée.

Propos recueillis par Adèle Cazier