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Les Jeux olympiques 2024 peuvent être un démonstrateur de ce qui peut se faire en bois

 

Georges-Henri Florentin, président de France Bois 2024

Les JO 2024 devraient être les premiers Jeux bas carbone.

Les Jeux olympiques 2024 peuvent être un démonstrateur de ce qui peut se faire en bois

 

Comment le projet France Bois 2024 a-t-il vu le jour ? 

Le projet France bois 2024 est né mi-2018, après que nous avons su que les prochains Jeux olympiques et paralympiques se tiendraient à Paris, avec l’objectif de réaliser les premiers Jeux bas carbone de l’histoire moderne. Compte tenu des propriétés de notre matériau, ces jeux apparaissaient donc comme un démonstrateur de ce qui peut se faire en bois. De plus, les JO sont des événements très médiatisés, donc, s’il y a des réalisations en bois, on en parlera pendant et après la compétition, ce qui aura forcément des effets positifs pour la filière. 

Qui le composent et comment est-il financé ?

France Bois 2024 est un projet non privé (collectif) émanant du CSF Bois qui est financé à parts égales par France Bois Forêt et le Codifab. Son comité de pilotage est assuré par le CSF, FBFet le Codifab, avec la contribution de la FNB et de LCB pour l’amont de la filière, et de l’UMB-FFB, de l’UICB ainsi que de l’Ameublement Français pour l’aval. Il n’est composé que d’un président bénévole et d’une permanente à mi-temps, mais il sollicite les acteurs et les outils de la filière tels que l’Institut technologique FCBA ou le CNDB, des experts ainsi que des acteurs externes impliqués dans les prochains JO.

Pouvez-vous nous en dire plus sur ces acteurs hors filière ? 

Ces acteurs sont les décideurs des futurs Jeux. Il y a tout d’abord la Solidéo, qui est un établissement public chargé de la construction des ouvrages olympiques tels que le Village des médias au Bourget ou le Village olympique à SaintDenis. Il y a ensuite les organisateurs des Jeux, à savoir le Comité olympique international (CIO) qui délègue à Paris  2024 tout ce qui concerne l’organisation et les équipements-constructions éphémères tels que les podiums, le fléchage des circuits, les barrières, les tribunes, les platelages, la signalétique… Ces deux entités sont importantes car se sont elles qui feront le choix des matériaux pour les futures constructions. En outre, nous collaborons avec l’État qui a nommé un délégué interministériel aux Jeux olympiques. 

Quelles actions menez-vous auprès de vos différents interlocuteurs pour favoriser l’usage du bois dans les ouvrages des futurs JO ?

En ce qui concerne la filière, nous nous adressons à l’ensemble des professionnels, de la construction à l’ameublement, en passant par la menuiserie ou les revêtements de sols…. L’idée est de dire aux entreprises : «Mobilisez-vous, vous pouvez le faire. » Dans cette optique, nous avons réalisé une série de meet-up pour communiquer sur les enjeux et les réalisations possibles. On a aussi listé des entreprises de construction et d’ameublement pour avoir une base de données exploitable par le comité d’organisation des JO, la Solidéo et les entreprises de construction. Nous effectuons également un travail de communication auprès de nos différents partenaires sur les appels d’offres ou les actualités de la filière, par exemple lorsque les cours du bois se sont envolés, le rôle de France Bois  2024 a été de rassurer la Solidéo et Paris  2024 et de désarmer les peurs en précisant le caractère exceptionnel de ce phénomène dû à la crise sanitaire qui ne s’était pas produit depuis les chocs pétroliers des années soixante-dix et en indiquant que les prix allaient se détendre, mais aussi en contrecarrant les fake news en provenance d’autres compétiteurs.

Combien de bâtiments bois espérez-vous construire d’ici l’ouverture des JO ? 

L’objectif est de parvenir à 50% de structure bois dans les bâtiments de moins de 28 mètres et une grande partie des structures des façades. D’ores et déjà, le Grand Palais Ephémère de GL Events avec lequel nous avons été très tôt en contact est élevé sur le Champ de mars à Paris. On sait qu’il y aura des bâtiments emblématiques en bois tels que la piscine olympique, l’Arena ou un gymnase au sommet d’un immeuble en R+7. On aurait aimé avoir davantage de bois visible, mais cela ne sera pas le cas pour des raisons liées à la sécurité incendie. Sur des bâtiments où le béton est omniprésent en structure, on entre par la fenêtre pour pousser les promoteurs tels que Vinci, Pichet Legendre, Eiffage construction ou Icade à opter pour des aménagements intérieurs, des sols ou des menuiseries en bois. Notre mission n’est par de supprimer un matériau au profit d’un autre mais de montrer ce qu’il est possible de faire en mixité en peu de temps sur un espace limité et comment devenir un acteur de la massification de la construction bois en laissant quelques ouvrages emblématiques. Nos valeurs sont celles de l’olympisme  : «Excellence, respect, amitié ».

Enfin, mon souhait personnel serait de laisser en héritage pour la filière un outil de traçabilité qui attesterait de la provenance des ouvrages bois réalisés et des composants, comme beaucoup de filière en disposent.

Le projet est de massifier l’emploi du bois tout en mixant avec d’autres matériaux

En quoi consisterait ce nouvel outil ?

Aujourd’hui, entre PEFC, FSC ou Bois de France, nous disposons de plusieurs systèmes de qualité attestant la légalité et la traçabilité des bois, ce qui implique la réalisation d’audits différents et donc du temps et des coûts supplémentaires pour les professionnels de la filière souhaitant bénéficier de plusieurs certifications. Au sein de France Bois 2024, avec le soutien de notre filière, nous avons mis ces trois acteurs autour de la table pour trouver un système unique qui puisse attester de l’origine des bois à un coût minimal, avec un audit commun réalisé par FCBA. «France Bois Traçabilité » représente l’embryon de ce que pourrait être cet outil commun qui servirait le futur de notre filière. Ces acteurs nous ont suivis et nous les en remercions. Aujourd’hui de plus en plus de gens veulent connaître la provenance des bois, et la filière doit avoir un outil de ce type pour être encore plus performante.

Quand les premiers bâtiments bois sortiront-ils de terre et à quelles techniques constructives feront-ils appel ? 

Les travaux des premiers bâtiments sont en cours depuis cet été. Le bois n’est pas encore entré dans la partie car nous en sommes au terrassement. Les livraisons devraient avoir lieu entre novembre 2023 pour les bâtiments définitifs et le printemps 2024 pour les éléments temporaires. Concernant le bois, il y aura un mix de toutes les techniques existantes, avec beaucoup de poteaux-poutres qui laissent une grande souplesse pour faire évoluer les cloisons et transformer ces futurs bâtiment en bureaux à l’issue des JO. On trouvera également du lamellé-collé, de l’OSB et un peu de CLT en vertical. Malheureusement, il y aura assez peu de bois visible à la demande des services de sécurité incendie. On trouvera tout de même quelques éléments de décoration temporaires, des menuiseries ou des parquets.

Que deviendront ces bâtiments à l’issue des JO ? Seront-ils démontés ou réutilisés à d’autres fins ? 

On essaie au maximum de favoriser le réemploi de tout le bois et systèmes utilisés, avec un travail en amont mené sur la «démontabilité » des projets (podiums ou tribunes). En ce qui concerne l’ameublement, nous travaillons par exemple avec l’Ameublement français pour trouver des entreprises qui peuvent prendre en charge le réemploi des lits et du mobilier.

Après les JO, que deviendra France bois 2024? Serait-il envisageable de décliner ce projet qui valorise l’utilisation du bois pour de futurs grands événements ?

À France Bois 2024, notre travail réalisé disparaîtra. Mais nous travaillons d’ores et déjà pour que les avancées techniques et organisationnelles, les supports visuels et les futures réussites soient repris par la filière par le Codifab et FBF afin de valoriser le travail accompli. C’est un peu comme un commando qui, une fois sa mission terminée, peut restituer ses armes, ses compétences et sa tactique pour d’autres opérations. A l’issu des JO, le résultat de France Bois 2024 demeurera dans l’esprit de la collectivité et de la filière. Il est en outre tout à fait possible que la filière donne naissance à d’autres démonstrateurs de ce type à l’avenir. Elle l’a déjà fait avec Adivbois et France Bois 2024 et pourquoi pas pour de futurs projets…

 

À l’avenir, le bois pourrait représenter 20% de parts de marché dans le secteur de la construction

On a besoin que cet esprit de filière continue de se développer aussi au niveau gouvernemental. 

Comment imaginez-vous l’avenir du bois construction et l’évolution de la filière bois ?

On s’est fixé des objectifs, la filière s’est organisée. Ce principe du « projet » est une bonne chose et doit demeurer. Le travail en équipe et la solidarité amont-aval se sont concrétisés et il est important que le regroupement et l’entité de la filière perdurent. Aujourd’hui, nous avons des objectifs quantitatifs fixés par l’État au travers de la «RE2020 ». Mais il faut être vigilant car ces objectifs peuvent être revus à la hausse ou à la baisse en cas d’accidents, à l’image du béton bas carbone qui a subitement fait son apparition. Si celui-ci n’avait pas existé, il y aurait plus de bois dans les infrastructures des JO! D’ici 2030, le bois pourrait, et je le souhaite personnellement, représenter 20% de parts de marché dans le secteur de la construction, ce qui suppose de tirer très fort sur les rames. L’avenir doit se préparer dès aujourd’hui en développant nos industries et en étant encore plus performants sur les bois techniques comme le CLT ou le lamellé-collé. 

Pour faire avancer la construction bois, nous avons également besoin de vrais maitres d’ouvrages spécialisés dans notre matériau. Dans cette optique, on pourrait imaginer la création de cénacles pour les maitres d’ouvrages intéressés par le bois afin qu’ils puissent échanger sur leurs problématiques et exprimer leurs besoins, à l’instar de ce qui existe dans ADIVbois ou chez nous pour les JOP. Enfin, au niveau de nos relations avec l’État, il faut poursuivre le travail engagé avec les pouvoirs publics pour que l’ensemble des ministères prenant part aux actions de notre filière tirent dans le même sens. On a besoin que cet esprit de filière continue de se développer aussi au niveau gouvernemental. De notre côté, il faut que notre filière poursuive son travail de lobbying, qu’elle porte une vraie stratégie collective, en connaissant et échangeant avec les grands décideurs politiques et économiques de notre pays. Si les politiques sont convaincus de l’intérêt environnemental du bois, de notre unité, de l’efficacité de nos actions et de notre stratégie, ils porteront un message positif pour la filière bois.

Avez-vous un message à faire passer aux professionnels de la filière ? 

Continuez à travailler en équipe en vous appuyant sur des bases scientifiques et sur nos valeurs. C’est ce qui paiera le plus au niveau du développement de notre matériau.

Propos recueillis par Adèle Cazier